Mayotte : des questions insolubles
La destruction de Mayotte par le cyclone Chido place l’Etat français face à un dilemme cornélien. Il doit reloger en urgence des dizaines de milliers de clandestins qu’il souhaite, en même temps, expulser.
La question explosive de l’immigration clandestine revient au galop, à mesure que les Mahorais reprennent leurs esprits et recommencent à penser à l’avenir. Peu perméable aux sentiments humanitaires, le ministre momentanément démissionnaire Bruno Retailleau n’a pu s’empêcher de la remettre sur la table, à peine retombées les dernières tôles arrachées par Chido.
Sur place, elle a été mise en suspens quelques jours seulement. Hier, des personnes chargées de distribuer les premières rations d’eau et de nourriture exigeaient des sinistrés qui faisaient la queue la présentation d’une pièce d’identité, nous dit-on. La tentation est grande, chez tous ceux qui ont participé à la mobilisation anti-immigration du début d’année, de profiter du chaos post-Chido pour mettre un peu plus la pression sur les sans-papiers. La tension risque de monter, dès les prochains jours.
Que va faire l’Etat ? Il se doit évidemment d’apporter à tous les habitants de l’île, quel que soit leur statut, une aide d’urgence pour leur éviter la faim et la soif. Mais des questions vertigineuses se posent déjà. Faut-il empêcher les clandestins de reconstruire leurs abris de planches et de tôles, alors que les premières cargaisons de tentes débarquées des avions militaires sont loin de répondre aux besoins des dizaines de milliers de personnes qui ont perdu leur toit ? Les Mahorais accepteront-ils un traitement indifférencié de la population régulière et des clandestins, lorsque les premières mesures de relogement seront décidées ? La reprise des opérations de reconduite aux Comores est-elle envisageable à court terme ? On apprend au passage que le centre de rétention administrative est aujourd’hui occupé par les familles de policiers sinistrées, qui y ont trouvé refuge…
Trois décennies de politiques à courte vue
En parcourant du regard le spectacle de désolation qu’offre Mayotte, ce jeudi à bord d’un hélicoptère, Emmanuel Macron va contempler les conséquences de trois décennies de politiques à courte vue. Au rythme des alternances et par étapes successives, l’Etat a donné satisfaction aux leaders d’opinion mahorais en faisant de leur île une collectivité toujours plus française. Laquelle a besoin de toujours plus de moyens sécuritaires pour repousser l’immigration illégale, qui grandit en même temps que l’écart de richesse avec les îles voisines.
Certes, l’Union des Comores n’est pas un partenaire accommodant, mais la France peut-elle faire la preuve qu’elle a cherché à traiter l’origine du problème et à mener une politique de co-développement pragmatique, notamment avec Anjouan, en l’aidant à se doter d’un hôpital, d’une maternité, de structures d’enseignement dignes de ce nom ? Les dégâts de Chido donnent au président de la République, au plus bas dans les sondages, l’occasion de se poser en sauveteur et en sauveur. Il a hélas d’autres préoccupations que de trouver des solutions innovantes aux problèmes inextricables dans lesquels s’enfonce le 101ème département français.