Michel Dijoux : l’industriel philosophe
Pionnier de l’énergie solaire, il s’est développé à l’export de façon très pragmatique, en apprenant à faire sauter certains verrous culturels. En toute humilité et grâce à son esprit d’éternel étudiant.
« Nous fabriquons toujours les chauffe-eau solaires de A à Z depuis 1990 et nous avons posé près de 90 000 unités, plus de 60% du parc réunionnais actuel. Nous visons aussi le leadership sur le marché du photovoltaïque résidentiel où nous opérons depuis plus de vingt ans. » Le président du Groupe Dijoux a fondé sa première entreprise en 1986, dans le froid industriel, avec ses trois frères. Une activité revendue en 2004, mais la structure du groupe est restée familiale jusqu’à la séparation des actionnaires, il y a quelques années. Dirigeant atypique, Michel Dijoux est un passionné des études. Plusieurs fois diplômé de grandes écoles de management, telles que l’IFG et l’IAE, il continue à étudier l’histoire, le droit et même la politique, pour des considérations citoyennes. « Pour tous les questionnements que nous apporte le présent, l’histoire comme la philosophie nous aident à formuler des perspectives d’avenir, car il est important de comprendre nos origines. » De nature très discrète, cet entrepreneur âgé de 53 ans et père de quatre enfants est aussi le président du syndicat des solaristes réunionnais, Sorun.
LE SOLEIL COMME SOURCE D’ÉNERGIE INTARISSABLE
« Des traversées du désert amènent à se poser des questions et appellent à des stratégies différentes. Je vois, finalement, que c’est à force d’échecs qu’on parvient à se construire et qu’on apprécie différemment les choses », constate le « philosophe » Michel Dijoux. Ce dernier est convaincu que l’énergie solaire peut apporter l’autonomie électrique à La Réunion et y implique son groupe qui regroupe une multitude d’entreprises intervenant dans la climatisation, l’électricité industrielle, la pose de cloisons et le solaire. De quoi réaliser 30 millions d’euros de chiffre d’affaires. En 2005, le groupe s’est aussi exporté en Floride, dans la fabrication de chauffe-eau solaires.
« Des verrous financiers et des verrous techniques sont maintenant levés pour faciliter les investissements dans le solaire photovoltaïque. Il faut aussi lever un verrou culturel. Prendre conscience que le soleil est une source d’énergie intarissable et qu’il faut considérer le photovoltaïque comme un équipement de la maison. En raisonnant en termes de territoire et de développement des entreprises locales, il existe un potentiel considérable de croissance pour La Réunion. » Le marché résidentiel et tertiaire est à la portée des solaristes réunionnais qui s’engagent à répercuter la baisse des coûts du matériel photovoltaïque. « Le Groupe Dijoux va s’équiper en véhicules électriques, avec des ombrières photovoltaïques, et étudie une solution avec le gestionnaire de réseau pour utiliser l’énergie du réseau lorsqu’elle est en surproduction, révèle Michel Dijoux. Le véhicule électrique associé au photovoltaïque résidentiel ouvre aussi un énorme potentiel de développement. » Il souhaite également des mesures fiscales discriminatoires pour contrer les importations de produits étrangers à faible performance énergétique.
L’EXPORT : UNE QUESTION DE CULTURE
Toujours dynamique à l’export, sans vouloir en dire plus à ce stade, Michel Dijoux s’intéresse aussi aux nouveaux métiers. « Des métiers futurs non encore identifiés, de l’innovation, beaucoup de choses nous interpellent, mais nous ne bâtirons pas le futur avec seulement des nouveaux métiers. Car l’économie de La Réunion repose sur des activités traditionnelles. L’industrie doit être protégée et redéveloppée. » Un relais de croissance pourrait venir, selon lui, de « l’export-substitution ». « En exportant nos savoir-faire, au lieu de nos produits, et en réalisant de la croissance externe en nous mariant avec des acteurs locaux dans les pays cibles. » C’est, là encore, une barrière culturelle dont il faudrait s’affranchir. « L’impulsion doit venir de soi-même. Dès qu’on atteint 30% de parts du marché local, il faut penser à s’exporter. Mais on a tendance à penser que c’est impossible. Il ne faut pas, cependant, aller seul sur de nouveaux territoires. Un partenaire apporte l’acculturation et la compréhension des modes opératoires ».