NOMINÉE TECOMA AWARD : Shenaz Zadvat, entrepreneure engagée
En un quart de siècle, Shenaz Zadvat a transformé un simple département du commerce familial en leader de l’aménagement d’espaces de travail : Offital. En parallèle, la cheffe d’entreprise a multiplié ses engagements dans la vie sociale et socio-professionnelle de La Réunion.
Comme beaucoup de commerçants réunionnais indo-musulmans, Ismaël Mamode Zadvat, le grand-père de Shenaz, était vendeur de tissu au mètre, rue Jean-Chatel à Saint-Denis. Mamode, son fils, a repris l’entreprise dans les années 1970 et l’a développée, associant des activités de grossiste en meubles, en linge de maison, en articles de bazar. En 1987, il a besoin de s’équiper en meubles de bureau, fait le tour de l’offre locale mais n’y trouve pas son compte. Il prend l’avion pour l’Italie, haut-lieu du design et de la fabrication de mobilier. Il est séduit, commande un premier conteneur, pour voir. C’est ainsi que la maison Zadvat s’enrichit d’un nouveau département, dédié au mobilier de bureau.
En 1996, Shenaz, fille de Mamode, intègre l’entreprise familiale après avoir décroché un BTS au centre de formation de la CCI. Elle se voit confier l’activité mobilier de bureau, qui prend de l’ampleur. La société Offital est officiellement créée en 1998, en prenant le nom d’un de ses principaux fournisseurs italiens. La famille Zadvat achète un terrain dans la partie haute de la zone de La Mare. Elle y ouvre son magasin fin 1999. « Nous étions au départ une petite équipe, en position de challengers, se souvient Shenaz Zadvat. Le marché était encore dominé par l’Umab de Marcel Péré, qui représentait de belles marques, avait la confiance des fournisseurs et bénéficiait d’un bel emplacement sur la rue Léopold-Rambaud. Dans les années 2000, nous avons connu une forte croissance avant de trouver notre rythme de croisière. »
Au bureau comme à la maison
La gérante d’Offital prend l’habitude de participer régulièrement aux grands salons européens du meuble, pour essayer de prendre une longueur d’avance sur les tendances. Elle y parvient rapidement. En 2015, l’entreprise rachète les locaux de son concurrent ADDC, « un bâ-timent qui avait été conçu pour cette activité et correspondait à nos besoins, poursuit la gérante. En nous agrandissant, j’ai commencé à réfléchir différemment. Je me suis rendu compte que le mobilier qui se vend pour la maison se vend aussi pour le bureau. Nous ne pouvions plus nous contenter de vendre du mobilier de bureau, il nous fallait devenir des spécialistes de l’aménagement de l’espace de travail tertiaire, en intégrant la dimension décoration. Nous sommes devenus les leaders de ce domaine à La Réunion, il y a six ou sept ans ».
Offital complète sa gamme, s’intéresse aux luminaires, aux objets design, recrute une décoratrice pour apporter une réponse complète à des clients. L’entreprise de La Mare est désormais en mesure de les conseiller sur le choix des couleurs et des matériaux. « Le mobilier est un marqueur de l’identité d’une entreprise, un élément important du bien-être au travail, auquel la jeune génération est attentive, poursuit Shenaz Zadvat. Nous voulons pouvoir être fiers des agencements que nous réalisons. »
Autre évolution du métier : la prise en compte de l’ergonomie. Pour lutter contre le mal de dos et les troubles musculosquelettiques, la chaise dactylo basique a été bannie du catalogue d’Offital, qui ne propose plus que des fauteuils ergonomiques. Shenaz Zadvat veille également à la disponibilité immédiate, dans son stock, des produits exposés dans son showroom. Son entreprise, qui compte 25 collaborateurs, réalise aujourd’hui la moitié de son chiffre d’affaires en marchés publics. Elle a quelques belles réussites récentes à son actif : le marché de la nouvelle faculté de médecine (UFR Santé) de Saint-Pierre et celui des assises de la nouvelle aérogare de l’aéroport Roland-Garros, pour lequel elle était en concurrence avec des grands noms internationaux. L’autre moitié représente le marché des entreprises, le mobilier de direction pour lequel l’enseigne est plutôt positionnée sur le haut de gamme. Ses fournisseurs sont surtout européens, italiens à près de 40 %.
Label RSE
Tout en humant l’air du temps et en détectant les nouvelles tendances de son secteur, Shenaz Zadvat s’est intéressée aux démarches qualité, « afin de prouver notre engagement pour la satisfaction de nos clients ». En 2003, Offital a décroché la certification ISO 9001, ce qui est peu courant pour une entreprise commerciale. Vingt ans plus tard, elle reste la seule de son domaine à l’arborer à La Réunion. Elle a également mis en place une démarche de responsabilité sociétale, déclinée sur plusieurs thématiques : la sécurité et la qualité de vie au travail des salariés, l’inclusion des jeunes et des seniors dans l’entreprise, l’investissement associatif, la réduction de l’empreinte carbone, la priorité donnée aux fournisseurs qui partagent ces valeurs, la recherche de solutions pour donner une deuxième vie aux produits. Cet investissement dans la responsabilité sociétale lui a permis d’obtenir, en 2020, le label « e-Engagé RSE Territoire de La Réunion », après instruction du dossier par l’Afnor.
Shenaz Zadvat tient enfin à rappeler que l’entreprise qu’elle dirige fait partie d’un groupe familial soudé, constituée de la société historique d’importation et de commerce de gros (meubles, linge de maison, articles de bazar) et de Protechoms Réunion, société franchisée spécialisée dans les équipements de protection individuelle et de sécurité, managée par son frère Ismaël. Le groupe Zadvat emploie au total une soixantaine de personnes. « Nous travaillons à ce que chaque entité poursuive sa croissance, mais aussi à développer de nouvelles activités », souligne-t-elle.
« Rendre au territoire ce qu’il m’a donné » : Shenaz Zadvat a sans doute hérité de son grand-père le sens de l’engagement collectif. Ismaël Mamode Zadvat fut un commerçant très impliqué dans la vie sociale, président de l’association gérant la mosquée de Saint-Denis, membre fondateur du Syndicat de l’Importation et du Commerce de la Réunion (SICR) et du Colier, ancêtre du Medef. Sa petite-fille est aujourd’hui vice-présidente de l’organisation patronale et co-présidente de son Mouvement des femmes, lancé l’an passé. Elle préside également l’association Entreprendre pour Apprendre, qui accompagne les jeunes dans la mise en place de mini-entreprises, dans les établissements scolaires, d’insertion et pénitentiaires. Elle est même secrétaire de la fédération nationale de ces associations depuis deux ans.
En parallèle, elle s’est investie dans la création de l’association ETRE Réunion (Entreprises et territoires responsables de La Réunion), qui regroupe des entreprises certifiées ou engagées dans une démarche de performance, et dans le Club des Audacieuses, qui vient en soutien aux créatrices d’entreprises. « Quand on a eu la chance de grandir sans se préoccuper de ce que l’on allait manger le soir, il est normal de rendre au territoire ce qu’il vous a donné », dit-elle pour justifier ses nombreux engagements.