Non, l’Empire du Milieu n’est pas l’Empire du mal !
Un ami malgache me racontait récemment une petite histoire que lui avait transmise un Européen qui connaissait bien la Grande Île pour y avoir mené des missions de due diligence. Des missions relatives à des projets du secteur public aussi bien que privé et dont le financement avait abouti, mais s’était heurté finalement à une énième crise politique. De quoi rendre amer « l’ami Européen ». Voici cette petite histoire allégorique : « Le Bon Dieu a commencé la construction du Monde par l’île de Madagascar. Il l’a dotée de toutes les richesses naturelles possibles, puis est parti façonner le reste du Monde. Il s’est attelé dans un deuxième temps à choisir quel peuple devait habiter à tel endroit. Il s’est alors dit, quand ce fut le tour de Madagascar, qu’Il l’avait trop gâtée et donc, pour plus d’équité envers les peuples qui avaient fort à faire avec moins de richesses, qu’Il allait la peupler avec les Malgaches. » Une fois passées la rigolade et la vexation, mon ami malgache s’est posé mille questions « sur le pourquoi du destin bizarre subi par Madagascar et son peuple ». Des questions que tous les entrepreneurs ayant réalisé des projets, ou essayé d’en réaliser, dans ce pays, se sont posées un jour ou l’autre.
Le génie de Confucius
Il est vrai que si Dieu avait décidé de peupler Madagascar de Chinois, la Grande Île serait devenue un « dragon », loin devant Singapour. À propos des Chinois, on peut constater qu’à La Réunion et à Maurice, leurs petites communautés, en ayant pu s’épanouir librement, témoignent de belles réussites entrepreneuriales et, plus largement, sociétales. Cela continue même si, plus particulièrement à Maurice, on constate une fuite des cerveaux qui réduit encore davantage la taille de la communauté sino-mauricienne. Fait historique, le patron du groupe MCB, Jean-Michel Ng-Tseung, appartient à cette communauté. À La Réunion, le nouvel évêque, Pascal Chane-Teng, affiche les mêmes origines.
Les Chinois présentent des qualités essentielles : ils sont entreprenants et travailleurs, ils ont le sens de l’éternité et sont imprégnés de valeurs confucianistes.
Alors que le monde est en train de changer de manière radicale, on peut toujours se demander pourquoi on devrait faire de la Chine un épouvantail. Certes, on y voit un intérêt pour les États-Unis qui ont toujours besoin d’un ennemi pour exister et justifier leur hégémonie. Mais du côté de l’Europe, c’est plus difficile à comprendre sauf à l’expliquer par son inféodation à l’Empire américain.
Tout empire se bâtit sur des conquêtes mais, dans le cas de la Chine, elles sont loin d’avoir l’ampleur des conquêtes du monde occidental, entachées d’épisodes tragiques comme des crimes de guerre et des génocides. En réalité, une fois en place, l’Empire du Milieu n’a pas cherché à conquérir le monde par la force.
Il est quand même risible de voir les États-Unis donner des leçons à la Chine, eux qui ont exterminé une grande part des Amérindiens, qu’on appelle les « Peaux rouges » dans les westerns. On connaît la formule apocryphe du major-général Sheridan quand, au XIXe siècle, il prend la direction des guerres indiennes : « Un bon Indien est un Indien mort. »
Le jeu de go plutôt que les échecs
Ce n’est pas non plus la Chine qui a largué deux bombes atomiques sur le Japon en 1945, faisant, selon les estimations, un total de 220 000 morts. On pourrait aussi parler du napalm et de l’« agent orange » qui ont fait des ravages sur les populations et l’environnement durant la guerre du Vietnam.
Du côté du Japon, allié de l’Occident aujourd’hui, il faudrait évoquer le « viol de Nankin », en Chine, en 1937, qui aurait causé quelque 300 000 morts.
Nos « amis Anglais », pour leur part, ont pratiqué la « diplomatie de la canonnière » pour obliger les Chinois à accepter le libre commerce de l’opium. Au regard de ces faits historiques, on pourrait comprendre que la Chine éprouve un certain ressentiment. Ce n’est pas pour autant qu’elle ait un désir de vengeance. Adepte du jeu de go plutôt que des échecs, l’Empire du Milieu tisse patiemment sa toile.
Les tueurs d’aborigènes
Pour finir, il faudrait parler de l’Australie, une puissance dont la France s’est rapprochée depuis quelque temps alors qu’elle est fortement suspectée d’avoir financé dans le passé les indépendantistes canaques en Nouvelle-Calédonie. Mais la géopolitique n’est jamais figée. Et l’Australie, bien que dépendante économiquement de la Chine, semble résolue à former un front uni contre son « impérialisme ». Rappelons au passage que d’anciens bagnards ont donné le jour à l’Australie qui a massacré allègrement les aborigènes. Il n’y a pas de quoi donner des leçons même si les dirigeants australiens font aujourd’hui dans la repentance théâtrale, à genoux et la main sur le cœur.
La France aurait tort de s’aligner, yeux fermés, sur les Anglo-Saxons, toujours solidaires entre eux au sein d’un « club » auquel elle n’appartient pas. Elle devrait au contraire défendre une politique de non-alignement, dans le Pacifique comme en Ukraine.
Il est indispensable de s’en référer à l’Histoire quand on veut comprendre le monde et, surtout, ne pas se faire manipuler. Ce n’est pas pour rien que Big Brother, dans le roman 1984 de George Orwell, s’attache à la réécrire.