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Réunion

OLIVIER PARIS, DIRECTEUR DE L’OBSERVATOIRE DE L’IMMOBILIER : « N’attendez pas pour vendre ! »

La pénurie de biens s’atténue, la demande devient instable et le volume des ventes ralentit. Les prix élevés et le crédit cher affectent la solvabilité des acquéreurs, la situation devient moins favorable aux vendeurs : l’analyse d’Olivier Paris, directeur de l’Observatoire de l’immobilier.

L’Éco austral : Confirmez-vous le ralentissement du marché immobilier à La Réunion ?

Olivier Paris  : Au premier semestre 2023, le volume des transactions a baissé de 15 % par rapport au second semestre 2022. Même si 2022 était encore marquée par la frénésie post-covid d’investissement dans la pierre, c’est une chute lourde. Je rappelle que nous calculons ce chiffre sur la base des signatures de compromis de vente dans le réseau des 117 agences de l’île agréées par notre observatoire. Les derniers chiffres publics, qui sont basés sur les actes authentiques – la conclusion effective de la vente – font état d’une baisse de 9,5 % à mai 2023, par rapport à mai 2022. Les compromis étant signés trois à cinq mois avant les actes authentiques et la collecte des informations par l’administration étant plus lente, nos données sont en avance d’un semestre par rapport à ces chiffres. Ainsi, il apparaît clairement que la tendance au ralentissement du marché s’accentue. Pour le mois de juin 2023, notre indice des ventes atteint un plus bas historique pour cette période de l’année, depuis la création de notre Indice mensuel des marchés immobiliers en 2018.

Quelles en sont les causes et quelles conséquences en attendre sur les prix ?

Même si une partie de l’économie réunionnaise est sanctuarisée du fait du poids de le fonction publique, l’île n’échappe pas à la conjoncture économique générale et au renchérissement du coût du crédit. En ce mois de juillet, le taux d’usure vient de franchir la barre des 5 %. La capacité d’emprunt des acquéreurs est altérée, leur motivation s’effrite, même si la demande reste importante. En face, nous constatons une croissance de l’offre assez marquée, sur la base du nombre de mandats confiés par les vendeurs à nos agences partenaires. La pénurie qui s’était installée ces dernières années s’atténue. Les propriétaires se disent : plus j’attends, moins je vendrai cher. Ils ont raison. Si leur projet de vente est une obligation, ils ne doivent pas attendre. La vente d‘un bien immobilier à La Réunion sera plus difficile demain qu’aujourd’hui. Le marché se rééquilibre. Pendant des années, il a été extrêmement favorable aux vendeurs. Cet avantage diminue depuis le début de l’année et cette tendance va s’accentuer dans les mois qui viennent.

L’accès à la propriété devient quasiment impossible pour les ménages les plus modestes : quels leviers pourraient actionner les pouvoirs publics pour inverser la tendance ?

Ils pourraient agir sur les droits de mutation, qui s’élèvent en moyenne à 8 %, grèvent le pouvoir d’achat des accédants et alimentent la spirale inflationniste à mesure que le prix des biens monte. D’autre part, j’avais lancé dès 2008, lors de la publication de notre premier guide de l’immobilier, une idée iconoclaste qui semble encore taboue : désanctuariser et rendre constructible une partie des surfaces des mi-pentes plantées en canne à sucre, dont la culture n’est pas rentable et absorbe d’importantes subventions. Cela libèrerait du foncier pour la construction de maisons individuelles sous le contrôle d’un conseil de l’urbanisation des Hauts, à créer, qui veillerait également à la création de transports en commun adaptés aux besoins des habitants. Des parcelles de surface limitée (environ 300 m²) seraient vendues à prix coûtant (acquisition du foncier agricole et viabilisation), pour permettre la construction de maisons de 120 m² maximum. Pour éviter toute spéculation, leur revente à un prix supérieur à celui de l’achat, augmenté d’un indice pour tenir compte de l’inflation, serait interdite. Ces acquisitions seraient exclusivement réservées à la résidence principale. Il est essentiel de faciliter l’accès à la propriété ; dès lors qu’elle est réalisable, elle peut faire naître chez beaucoup une réelle motivation pour trouver ou conserver un travail. Une telle révolution ferait mécaniquement baisser les prix en augmentant considérablement l’offre et relancerait l’économie de la construction aujourd’hui victime d’une quadruple peine : la rareté, donc le prix du foncier, des normes toujours plus contraignantes, la hausse des prix des matériaux et des taux de crédit.

L’indice mensuel des marchés immobiliers est en libre accès sur le site de l’Observatoire de l’immobilier, www.obsimmo.fr, rubrique « Consultez ».