Eco Austral – Actualités économiques et entreprises de l'Océan Indien

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Réunion

Plus qu’un marché à proprement parler

Cent trente milliards d’euros ! Oui, oui, vous avez bien lu… 130 milliards d’euros ! Il s’agit, selon les projections proposées par le ministère français de l’Économie et des Finances, du chiffre d’affaires possible généré par la silver économie dans l’Hexagone d’ici à 2020. Structurée au niveau gouvernemental depuis bientôt six ans, cette filière à haut potentiel tire son nom de l’anglais silver, qui signifie « argent » (pour évoquer le métal, la couleur). Mais une fois posés ses enjeux économiques majeurs, le clin d’œil poétique aux reflets argentés des tempes grisonnantes des seniors s’efface vite derrière le double sens, lourd de sous-entendus, de sa version française… Manne financière de premier choix pour l’État, sans oublier les 300 000 emplois escomptés à la clef, la silver économie recouvre l’ensemble des activités économiques, industrielles et de services qui permettent aux seniors, c’est-à-dire aux personnes âgées de 60 ans au moins, d’améliorer leur qualité, voire leur espérance de vie, et d’être autonomes le plus longtemps possible : produits de santé, sécurité, autonomie, aménagement de l’habitat, domotique, mobilier adapté, mobilité, transports, nutrition, loisirs, tourisme, etc.  
Plus qu’un marché à proprement parler, il s’agit donc d’un pan entier de l’économie française, dont les perspectives de croissance apparaissent exponentielles. En effet, si les 60 ans et plus constituent actuellement 25,6 % des quelque 67 millions de Français, leur part pourrait bondir à un tiers d’ici 2060. Avec l’amélioration des conditions de vie, le vieillissement naturel de la génération baby boom et les progrès de la médecine, le nombre des seniors devrait connaître une hausse de 80 % dans les décennies à venir. 
À La Réunion, la pyramide des âges évolue de manière identique, même si le poids des jeunes y minimise pour l’instant encore la proportion de seniors : en 2050, selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), l’île devrait ainsi compter 289 000 personnes de plus de 60 ans (soit 27 % de la population environ !), tandis qu’elles n’étaient que 115 000 en 2013.  Soit près de 250 % d’augmentation… Chez les plus de 75 ans à proprement parler, leur nombre passerait de 32 000 en 2013 à 138 000. Triplant leur part dans la population (13 % contre 4 %). 

 

Franck Delignac a conçu  des solutions tout-en-un en tenant compte de la demande spécifique des seniors.
Franck Delignac a conçu des solutions tout-en-un en tenant compte de la demande spécifique des seniors.  ©Droits réservés
 

Innovation et personnalisation

« Le volume des seniors est en train de rattraper celui de la population en âge d’exercer une activité », confirme Jean- Michel Milcent, le gérant de l’entreprise de matériel orthopédique TPM, implantée à Saint-Pierre depuis 1990. « Le nombre des plus de 60 ans devrait doubler d’ici 2030 ! Parmi eux, la part de personnes dépendantes est estimée à 12 %, et elle est amenée à exploser du fait de l’allongement de la durée de vie. Il est par conséquent évident que ce contexte démographique représente une opportunité notable pour nos activités. »
Selon la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Dares), près de 2,3 millions de personnes âgées pourraient se retrouver en situation de dépendance d’ici 2060 en France. C’est ce constat et ses perspectives qui ont amené Jean-Michel Milcent et Jean-Marie Brugière, directeur de Reha-Mat, société du même groupe née en 1998 et spécialisée dans la distribution de matériel médical, à anticiper des besoins spécifiques. Donnant naissance en 2016 à une troisième entité : Mhadom (pour Matériel hospitalier à domicile).  
À la tête de Mhadom, un jeune pharmacien de formation, Pierre-Julien Boucheteil : « La démarche de Mhadom s’inscrit dans une politique publique européenne et nationale forte de  maintien à domicile, afin de pallier le manque de structures d’accueil. Lits médicaux, fauteuils releveurs, lève-personne, sièges de bain, rehausseur de WC, bracelets anti-chutes, couverts adaptés… Nous proposons – à la location principalement, mais également à la vente – des matériels et aides techniques personnalisées pour faciliter l’autonomie et la prise en charge à domicile de la personne dépendante. » 
Sur les quelque 600 clients référencés par Mhadom, plus de 70 % sont des seniors, envoyés par des prescripteurs (médecins de famille, kinésithérapeutes, chirurgiens orthopédistes…), la publicité en matière de santé étant interdite. « Malgré cette interdiction, la concurrence est rude dans l’île, souligne Jean-Marie Brugière. Si 80 % des personnes dépendantes en Métropole sont placées dans des structures, la proportion est quasiment inverse ici, du fait d’une forte solidarité familiale ! »  

Les 60 ans et plus

Solutions tout-en-un

Les entreprises du secteur présentent des catalogues produits à peu de choses près similaires. Aux yeux de Pierre-Julien Boucheteil, il est donc indispensable de se différencier par l’innovation et la personnalisation des services. « Plusieurs centaines de produits sortent des laboratoires chaque année, ce qui nécessite une veille constante. Pour l’heure, 90 % de nos locations concernent du matériel pris en charge, remboursé, mais le potentiel de développement sur les aides techniques non remboursées (par exemple la domotique) est énorme », annonce-t-il. 
Toujours est-il que, deux ans à peine après la création de Mhadom, son chiffre d’affaires avait déjà atteint les 700 000 euros. « Il faut dire que, si l’on prend l’exemple d’une salle de bains adaptée, le coût de chaque item installé est d’environ 200 à 300 euros. Et encore, hors travaux, fait valoir Jean-Marie Brugière. De plus en plus, l’aménagement devrait s’orienter vers des solutions portables, avec le matériel d’autonomie pré-intégré. »
 C’est d’ailleurs sur ces solutions tout-en-un que parie Franck Delignac, qui porte avec enthousiasme un projet particulièrement innovant d’habitat adapté aux seniors défavorisés. « Depuis bientôt trente ans passés comme chef d’entreprise à La Réunion, principalement dans le Sud, j’ai eu l’occasion de me rendre compte de la précarité sociale et de l’insalubrité de l’habitat dans lequel certains seniors vivent encore aujourd’hui, avec une retraite minimum (voire moins…). Et beaucoup ignorent même leurs droits les plus simples », déplore-t-il. 
Son concept, conçu et développé à La Réunion, comprend plusieurs variantes d’hébergement. Qui toutes reposent sur la construction modulaire.