Plutôt que des pigeons, les entrepreneurs doivent devenir des phoenix
Les entrepreneurs sont-ils de drôles d’oiseaux prédestinés à être toujours plumés ? Pas forcément, répond notre expert Bernard Alvin qui se penche sur la grande variété des oiseaux et retient celle qui a le pouvoir de toujours renaître après s’être consumé.
Depuis plusieurs mois, les entrepreneurs français se font appeler par toutes sortes de noms d’oiseaux comme « les pigeons », « les poussins », « les moineaux » ou « les déplumés ». Le monde entrepreneurial serait devenu une véritable volière ! Mais que s’est il donc passé pour que nos entrepreneurs soient devenus de tels oiseaux ? Des oiseaux qui ont l’habitude d’être des proies pour les prédateurs. Les pigeons sont des oiseaux qu’on tire au ball-trap depuis toujours ! Par ailleurs, les moineaux et les poussins sont très prisés par les oiseaux de proie ! Il n’y a pas si longtemps, on nommait les entrepreneurs ou décideurs d’autres noms d’oiseaux comme les vautours, les rapaces et les faucons. Pourquoi les entrepreneurs et décideurs sont-ils ainsi souvent assimilés à des oiseaux et pourquoi est-on passé des oiseaux de proie aux oiseaux gibiers ?
Qu’est-ce qui caractérise le plus les oiseaux sinon leur formidable faculté à voler ? On peut déjà dire en tout cas que nos entrepreneurs se distinguent ainsi de leurs congénères par leur capacité à se déplacer dans les airs ? Ils sauraient dont s’affranchir des lois de la pesanteur.
« Si l’on se met à « gratter » un peu au niveau des responsabilités de chacun dans les difficultés rencontrées, on peut sans doute mieux comprendre que celles-ci ne sont pas liées seulement aux facteurs conjoncturels même si ceux-ci peuvent avoir des effets d’accélération des problématiques ! »
UN GRAIN DE FOLIE EST TOUJOURS NÉCESSAIRE POUR VOLER DANS LES AIRS
Tout bien réfléchi, si l’on considère cela sous l’aspect métaphorique, on ne peut que penser au monde du travail et de l’économie souvent décrié pour ses lourdeurs administratives, ses résistances au changement, l’« attachement » au sol de certaines communautés. On dit souvent qu’il faut avoir une certaine folie pour être entrepreneur !
Ainsi, les personnes qui font vœu d’entrepreneuriat défieraient certaines lois scientifiques, qu’il s’agisse de sciences dures ou de sciences molles. En résumé, être entrepreneur serait quelque chose qui n’irait pas de soi et contrarierait certains processus naturels qui voudraient que les êtres humains ne naissent pas avec la capacité d’être libres de bon nombre de leurs choix… Ça y est, le mot « libre » est sorti ! Car être libre, n’est-ce pas précisément développer une capacité à s’affirmer ou s’affranchir et à prendre des positions ou des cheminements qui échappent à un certain déterminisme socio-économique ? N’a-t-on pas souvent parlé de liberté pour évoquer les entrepreneurs ? Dans le monde entrepreneurial, on parle volontiers de liberté d’entreprendre, de libéralisme, de liberté d’échanges. Et si, in fine, ce mot ou cette valeur de liberté caractérisait les entrepreneurs au point d’estimer qu’ils sont de drôles d’oiseaux capables de voler de leurs propres ailes en tout lieu et à tout moment ? Mais alors, pourquoi nos volatiles entrepreneuriaux seraient-ils passés du statut d’oiseau de proie à celui d’oiseaux innocents et fragiles ? Auraient-ils perdu leurs esprits et leurs forces en abusant de vols au-dessus d’un nid de coucou ?
En tout état de cause, les oiseaux rares que sont nos entrepreneurs auraient muté ? À l’instar des hommes face aux primates intelligents de « la planète des singes », l’entrepreneur serait passé du mode dominant au mode dominé ? Ce qui expliquerait les migrations ces dernières années de certains entrepreneurs connus pour leurs caractères dominants ? Si l’entrepreneur actuel a clairement perdu des plumes, est-ce parce qu’il a renoncé à certaines libertés, à commencer par celle de « créateur de richesses » ? Si l’entrepreneur n’est plus « créateur de richesses », ne change-t-il pas intrinsèquement d’identité ?
Un mauvais casting fait qu’on retrouve parfois à un poste de directeur général une personne dont l’évaluation objective ne l’aurait pas conduite vers cette destination…
MAUVAIS CASTING ET MANQUE D’ACCOMPAGNEMENT
Dans le métier d’accompagnateur ou de coach, on a l’habitude d’analyser les problématiques humaines en regardant en priorité les facteurs endogènes plutôt qu’exogènes ? Ainsi, même si l’environnement actuel n’est pas favorable aux entrepreneurs, on peut quand même se demander ce qu’on a fait ou pas fait pour en arriver là. Vu que je ne suis pas né « de la dernière pluie », j’ai connu dans les entreprises des époques nettement plus favorables à des notions comme celles de développement des hommes, de leadership, de remise en question, de projets personnalisés, bref de tout ce qui a trait au renforcement du pouvoir de l’individu dans le monde économique. Je citerai par exemple la période de 1988 à 1990. De nos jours, j’observe qu’il est plus difficile d’évoquer ces sujets avec le monde des décideurs entrepreneuriaux. Certes, des démarches comme le coaching ont vu le jour et ont prospéré depuis lors, mais ces métiers s’avèrent trop règlementés et normalisés dans certains cas et pas assez dans d’autres cas. Il n’est pas sûr qu’ils aient agi comme des catalyseurs pour provoquer de réelles remises en question de façon à rendre les managers plus forts, à leur donner plus d’emprise sur les évènements qu’ils doivent gérer. Ces derniers mois ou même ces dernières années, nous avons tous pu assister à la disparition de certaines entreprises françaises d’une certaine envergure. Et rien n’arrive par hasard…
J’ai commencé ma carrière dans le domaine du recrutement et il m’est resté de cette époque l’importance du « right man (or woman) in the right place ». Un profil de directeur financier évalué comme performant dans son métier s’avère très bon s’il obtient une mission de… directeur financier ! Il en est de même pour un profil de manager général, de directeur des ressources humaines, de directeur de R&D, etc.. L’ennui, c’est que parfois et sans doute trop souvent, on déroge à cette règle basique et on va ainsi retrouver dans les postes de manager général des personnes dont l’évaluation objective ne les aurait pas conduites vers cette destination…
Si les managers et entrepreneurs étaient plus souvent dans une dynamique de renforcement de leurs potentiels personnels dans leur job, alors ils intègreraient plus naturellement cette logique de cohérence entre le profil de la personne et son poste. En résumé, si l’on se met à « gratter » un peu au niveau des responsabilités de chacun dans les difficultés rencontrées, on peut sans doute mieux comprendre que celles-ci ne sont pas liées seulement aux facteurs conjoncturels même si ceux-ci peuvent avoir des effets d’accélération des problématiques !
ET SI L’ON S’INSPIRAIT DU PHOENIX ?
En tout état de cause, si l’on met en avant les facteurs conjoncturels, il est peu probable qu’on puisse agir efficacement. Par contre, on a nettement plus de possibilités si l’on s’intéresse à notre responsabilité dans ce qui nous arrive. En conclusion, être un oiseau gibier n’est peut-être pas une fatalité ! Et puisqu’il est de bon ton d’évoquer l’univers aviaire pour qualifier les entrepreneurs actuels, alors je leur propose un autre modèle d’oiseau qui m’apparaît bien plus intéressant, je veux parler du PHOENIX. Rappelons que cet oiseau légendaire cité chez les Grecs anciens était doué d’une grande longévité et se caractérisait par son pouvoir de renaître après s’être consumé. S’il faut citer un entrepreneur pour illustrer la comparaison, pourquoi ne pas mentionner Richard Branson dont on dit qu’il possède une étonnante capacité à diriger ses échecs au travers de sa carrière d’entrepreneur. Il s’est donc consumé plusieurs fois ! En somme, il illustre à lui tout seul le PHOENIX ! Et visiblement, cela ne lui a pas trop mal réussi !
Alors, après la création des mouvements des pigeons, des moineaux et des déplumés, je propose de créer le club des Phoenix !!!
Cette fois, il ne s’agira plus de dénoncer une nature aviaire trop subie, mais au contraire de la revendiquer pour être encore plus fier d’être entrepreneur !!!
bernard.alvin.conseil@wanadoo.fr

Bernard Alvin est à la tête de son propre cabinet, Bernard Alvin Conseil, fondé en 1995 et spécialisé dans l’accompagnement des hommes dans le domaine du développement des potentiels. Bernard Alvin a « coaché » ses premiers cadres et dirigeants dès 1991, faisant figure de pionnier avant que n’arrive la mode du coaching. Cherchant à aller plus loin, il fera émerger le concept de « management vocationnel » à partir de 2005. Il a pratiqué son métier en France métropolitaine, dans les DOM-TOM et dans plusieurs pays dans le monde, dont le Brésil. Il intervient en effet en français, en anglais et en portugais.