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Réunion

Production électrique : l’avènement de la biomasse

En 2024, La Réunion n’aura plus besoin de charbon ni de fioul lourd pour produire son électricité. Albioma, à Bois-Rouge et au Gol, et EDF-PEI, au Port Est, auront leurs centrales à la biomasse.

Deux nouvelles catégories de produits vont faire leur apparition dès 2022 dans les statistiques des importations maritimes de La Réunion : les granulés de bois et l’huile végétale estérifiée. Les premiers alimenteront les centrales thermiques de Bois-Rouge et du Gol, la seconde l’usine qui borde l’entrée du Port Est. Les trois installations, qui produisent plus des deux tiers de l’électricité de l’île, fonctionneront à 100 % avec des sources d’énergies renouvelables dès la fin 2023. Incités à faire ce choix par la loi Énergie- climat, les énergéticiens ont fait le choix de la biomasse. 
PEI (Production électrique insulaire, filiale d’EDF), qui exploite la centrale du Port Est et trois autres aux Antilles et en Corse, a opté pour la conversion à la biomasse liquide : une huile végétale à base de tournesol et de colza jaune et inodore ayant subi un traitement chimique, l’estérification, qui en fait un biocarburant. Le basculement du fioul lourd à cette biomasse nécessitera un investissement (10 millions d’euros) limité au remplacement des pompes à injection des 12 moteurs de la centrale. Les mêmes réservoirs qui accueillent aujourd’hui le fioul lourd seront utilisés pour stocker l’huile, qui arrivera par cargaisons de 11 500 tonnes. PEI source actuellement les fournisseurs, en Europe, en vue de signer les premiers contrats. Pour Alexandre Sengelin, le directeur de la centrale, la conversion présente de nombreux avantages. « Nos émissions de CO2 et de dioxyde de soufre vont tomber à zéro sur le site, détaille-t-il. Même en intégrant celles dues au transport de la biomasse par bateau, les émissions de CO2 seront divisées par trois. 
De plus, nous allons perdre le statut Seveso, qui impose des mesures de suivi très lourdes. Avec la disparition du risque explosif, le rayon de danger de la centrale passera de 900 à 9 mètres !
»
À Bois-Rouge et au Gol, les investissements s’annoncent bien plus lourds : « 110 millions d’euros sur chaque site de production et 100 millions sur le port », calcule Pascal Langeron, directeur général adjoint d’Albioma. Comme PEI, l’entreprise doit changer ses systèmes de combustion, mais aussi se doter d’infrastructures de stockage des pellets (granulés de bois), là où le charbon est entassé à l’air libre. Deux premiers dômes de 39 m de hauteur ont fait leur apparition près du quai, deux autres suivront dans un an. Deux dômes de plus petites dimensions ont été édifiés à Bois- Rouge, deux silos sont prévus au Gol. Une première tranche de la centrale de Bois-Rouge commencera à brûler des pellets à partir de septembre 2022. 
Même si le combustible vient d’Amérique du Nord par bateau, « une étude a montré que l’émission de gaz à effets de serre de nos deux centrales va chuter de 84 % », souligne Pascal Langeron.

Quelle biomasse locale ?
 

Au-delà de la bagasse, qui continuera à être brûlée à Bois-Rouge et au Gol, Albioma étudie actuellement les ressources locales de biomasse qui pourraient se substituer partiellement aux pellets importés. Le groupe s’appuie notamment sur le Schéma régional biomasse, qui a quantifié les gisements de broyats de déchets verts, de déchets de bois forestiers et d’élagage, de palettes, d’emballages et autres végétaux exotiques envahissants coupés à tour de bras par les agents de l’ONF. Le tonnage total de ces produits atteint 100 000 tonnes, auxquelles pourraient s’ajouter une partie de la paille de canne laissée aux champs après la récolte. « Elle pourrait rapporter 8 millions d’euros supplémentaire par an de revenus à la filière canne-sucre, souligne Pascal Langeron, directeur général adjoint d’Albioma, en plus de la prime bagasse. De même, l’achat de 10 000 tonnes de déchets forestiers et de scierie permettra de créer des emplois et structurer une filière, qui pourra également réaliser avec Albioma un chiffre d’affaires de 8 millions d’euros. Au total, nos centrales pourraient tourner, à terme, avec plus de 40 % de biomasse locale. » La perspective d’une ressource locale est moins tangible pour la biomasse liquide. PEI (Production électrique insulaire, filiale d’EDF) commence à étudier les ressources potentielles de la Guyane et pourrait également être amenée à s’intéresser à la graine de jatropha, arbuste présent à Madagascar et dont l’huile est un biocarburant potentiel.