Raoul Gufflet (MCB) : « Être la banque des banques en Afrique »
Plus qu’être présente sur le continent, la première banque de l’océan Indien a fait le pari de présenter ses services en devenant la « banque des banques » pour l’Afrique. Ses activités à l’international représentent aujourd’hui 58 % des bénéfices du groupe MCB, explique son Deputy CEO et Executive Director.
L’Éco austral : Depuis quand et pourquoi la MCB a-t-elle orienté sa stratégie vers le continent africain ?
Raoul Gufflet : Jusqu’au début des années 1990, le modèle de développement de la MCB était principalement centré sur la prestation de services bancaires à la clientèle individuelle, ainsi que le financement des entreprises à Maurice. L’ouverture de la MCB vers l’international a été le prolongement logique de sa stratégie de diversification et d’élargissement de sa zone d’influence au-delà du marché local, qui demeure, comme vous le savez, restreint.
Dans un premier temps, la MCB a axé son expansion internationale sur l’accompagnement de ses clients locaux dans leur conquête de nouveaux marchés dans la région. Mais très vite, nous avons diversifié nos activités de banque de financement spécialisée à l’international, en offrant des services transactionnels, des solutions de financement d’entreprise, de financement du commerce transfrontalier et plus récemment, de financement d’importations-exportations de matières premières, ainsi que des services de banque privée et de gestion de patrimoine, avec comme horizon privilégié le continent africain.
Tout cela témoigne de notre conviction dans le potentiel de développement et de croissance de ces marchés de niche, et s’insère également dans notre vision de devenir une référence dans le secteur de l’intermédiation financière en Afrique et dans la région en exportant notre savoir-faire au-delà de nos côtes (aujourd’hui, les activités de la MCB à l’international représentent 58 % des bénéfices du groupe – NDLR).
Quels défis a-t-il fallu relever ?
Une aventure internationale pour toute entreprise demande une immersion dans l’environnement opérationnel de chacun de ces nouveaux marchés. Cela constitue déjà un défi de taille à relever. Cela n’a pas été différent pour la MCB. D’autant plus que le continent africain est marqué par sa diversité, son hétérogénéité sociale, politique et économique des 54 États qui le constituent. De ce fait, il nous a fallu identifier soigneusement les pays, les secteurs et les typologies de la clientèle que nous voulions cibler, tout en choisissant judicieusement de créer des partenariats avec des banques locales dans les pays dans lesquels nous voulions intervenir. Vous conviendrez que cet exercice est loin d’être simple, surtout à l’échelle d’un continent aussi vaste. Cela demande des investissements pour développer une connaissance des marchés mais surtout de faire des choix et des priorisations dans nos actions de pénétration de marchés. Cela passe également par le développement de capacités internes en matière de ressources humaines, de processus opérationnels et d’analyse, d’évaluation et de gestion des risques, afin d’offrir, de façon agile, des solutions financières adaptées aux besoins de nos clients en Afrique.

En 2015, quand la Société Générale a annoncé son entrée au capital de Mauritius Commercial Bank Mozambique (MCBM), on pouvait penser que la MCB allait se désengager de ce pays. Qu’en est-il vraiment ?
En octobre 2015, nous avons effectivement signé un accord de partenariat avec la Société Générale – notre partenaire de longue date au sein de la Banque française commerciale océan Indien (BFCOI) – qui a de ce fait, acquis une participation majoritaire dans notre ancienne filiale, MCB Mozambique. Il n’a cependant jamais été question pour nous de nous désengager. Cette opération a permis de renforcer les opérations de l’entité, notamment à travers l’extension du réseau d’agences et une expansion sur le marché du financement d’entreprises au Mozambique. La MCB demeure actionnaire à hauteur de 35 % de l’entité mozambicaine, rebaptisée Société Générale Mozambique, qui est devenue une entreprise associée de la MCB. Nous continuons à financer ses clients qui étendent leurs activités dans ce pays qui présente des perspectives de croissance très appréciables, malgré les récents événements politiques, économiques et climatiques qui ont pu affecter le Mozambique. Mais ne nous trompons pas, créer des partenariats est loin d'être un signe de faiblesse ou de manque de volonté individuelle. Bien au contraire…
Il me semble que la MCB, plutôt que de s’implanter physiquement en Afrique, a choisi de proposer ses services « depuis » Maurice. Elle veut être la banque des banques africaines. Pourriez-vous nous présenter cette stratégie ?
En effet, notre stratégie « banque des banques » est une des pierres angulaires de l’expansion internationale de la MCB. Cette initiative a pour ambition de positionner la MCB au centre de l’écosystème régional de financement du commerce, mais aussi de permettre aux banques africaines d’externaliser leurs opérations de paiements internationaux, ainsi que la sous-traitance de leurs opérations monétiques, le tout en les accompagnant avec des services de conseil stratégique, opérationnel ou informatique. Je suis heureux de dire que, depuis 2008, cette initiative nous permet de desservir plus de 125 institutions financières dans plus de 40 pays, la grande majorité se trouvant en Afrique et dans la région, le tout, dans un esprit de collaboration, de coopération et de réciprocité.