Réunion-Mayotte : le pont aérien ne peut pas faire de miracles
Les avions de l’armée et les appareils commerciaux réquisitionnés par l’Etat font la navette depuis deux semaines entre La Réunion et Mayotte. S’il permet de faire face à quelques urgences, le pont aérien n’apporte que des solutions limitées par rapport à l’ampleur des besoins dans l’île dévastée par Chido.
Deux Antonov AN-124 se sont posés ce week-end à l’aéroport Roland-Garros, transportant du matériel lourd à destination de Mayotte où la piste de Pamandzi est sous-dimensionnée pour accueillir les géants du ciel. Le premier, qui a atterri samedi, a été affrété auprès de la compagnie ukrainienne Antonov Airlines. L’Ukraine est en effet le berceau de ces avions de transport lourd, qui y ont été conçus quand elle était encore une des républiques socialistes de l’URSS.
La préfecture de La Réunion a organisé une séquence de communication autour de l’arrivée du deuxième Antonov, dimanche 29 décembre en fin d’après-midi. Appartenant à la compagnie Maximus Air Cargo, basée à Abu Dhabi (Emirats Arabes Unis), l’appareil servi par un équipage ukrainien avait décollé la veille de l’aéroport de Vatry et avait fait escale au Caire et à Mombasa avant d’atterrir à Gillot.
Organisation complexe
L’observation de son déchargement a permis de mesurer la complexité de l’organisation de l’aide à Mayotte. A bord de l’avion, quelques conteneurs équivalent-vingt-pieds, quelques petits camions-nacelles d’Enedis (gestionnaire du réseau électrique français, filiale d’EDF) destinés à Electricité de Mayotte, dont les moyens sont dérisoires au regard des dégâts à réparer sur l’île.
Les Antonov AN-124 emportent 90 tonnes, presqu’autant qu’un gros porteur cargo chargé au maximum mais avec l’avantage d’embarquer des colis de grande dimension, qui n’entrent pas dans les soutes des avions de ligne. Cette cargaison exceptionnelle doit ensuite être stockée, à la base aérienne ou à l’aérogare fret, acheminée vers le port pour gagner Mayotte par voie maritime si elle est trop volumineuse, où bien chargée sur les plus gros des avions de l’armée, les A400M qui peuvent décoller avec 20 tonnes à leur bord.
Le prix de l’isolement de Mayotte
Le pont aérien mis en place par l’Etat entre La Réunion et Mayotte dans les jours qui ont suivi le passage du cyclone Chido répond à une partie des besoins les plus urgents sur place ; mais ce sont bien les cargos porte-conteneurs mis à disposition par CMA-CGM qui ont la capacité d’apporter en quantité suffisante les vivres et les matériels nécessaires, avant que l’île ne recommence à fonctionner à peu près normalement.
Mayotte paie le prix de son isolement. Entourée de pays démunis ne disposant d’aucun moyen de secours à projeter lorsqu’une catastrophe survient chez leurs voisins, le 101ème département français doit se résoudre à attendre l’aide de la lointaine mère-patrie. La Réunion est un appui précieux mais elle se trouve à 1 500 km, un porte-conteneurs met quatre jours pour naviguer entre Le Port et Longoni, la piste de Pamandzi est trop courte pour accueillir les avions lourds et son balisage de nuit n’est pas encore réparé.
Ces réalités géographiques et logistiques font que l’aide d’urgence n’a pu être déversée massivement dans les jours qui ont suivi le cyclone. En déplacement aujourd’hui à Mayotte, c’est sans doute ce que François Bayrou explique à ses interlocuteurs impatients. Le néo-Premier ministre aura sans doute un peu plus de tact politique qu’Emmanuel Macron et devrait éviter d’avoir à rappeler aux Mahorais ce dont ils sont persuadés depuis longtemps, à savoir qu’ils seraient « 10 000 fois plus dans la merde » si l’île n’était pas française.