Royal Bourbon Industries : Clémence Moreau sur les pas de son père
Début 2022, quatre ans après son retour à La Réunion, Clémence Moreau est devenue directrice générale adjointe de Royal Bourbon Industries. Son père Daniel guide les pas de la jeune femme sur le chemin des responsabilités.
Clémence Moreau a intégré le vaisseau-amiral du groupe familial en juin 2018, après des études de commerce (Kedge Business School) et un diplôme supérieur de comptabilité et gestion, puis un début de parcours professionnel chez Alstom, aux États-Unis. « Quand j’ai décidé de rentrer à La Réunion, retrace-t-elle, j’ai appelé mon père pour lui dire que je cherchais du travail, au cas où il aurait besoin de moi. » Réponse positive : RBI doit revoir ses procédures et son organisation, une mission dans les cordes de la jeune femme, formée à l’audit et à l’expertise. De plus, la cadette des Moreau est familière de l’entreprise qu’elle a toujours connue, notamment quand elle venait y mettre des letchis en colis pendant les vacances.
« Pendant plus de trois ans, j’ai travaillé en transversal avec toutes les équipes, je n’étais la cheffe de personne, poursuit Clémence. En optimisant l’utilisation des outils informatiques, nous avons pu réduire les tâches de saisie, libérer du temps pour le pilotage et le contrôle. Les collaborateurs ont apprécié et mon intégration s’est vraiment bien passée. » En février 2022, elle est nommée directrice générale adjointe, en charge des flux informatiques et de marchandises (approvisionnement, livraisons, gestion des stocks, export). À l’exportation, Royal Bourbon Industries vend des produits à Mayotte, en Métropole et à Madagascar, tout en cherchant à diversifier ses débouchés. Clémence Moreau a ainsi participé, en octobre dernier, à une mission organisée par le Club Export au Kenya, pour explorer les marchés de la région.
« La transmission, une responsabilité »
La nouvelle directrice générale adjointe s’est également vu confier la gestion de la RSE. « La responsabilité sociétale parle davantage aux jeunes qu’aux anciens », justifie Daniel Moreau. Dans ce domaine, RBI devait d’abord structurer ce qu’elle faisait déjà, notamment pour conforter son implication dans la vie locale. Elle apporte son soutien à la Banque alimentaire des Mascareignes, à diverses initiatives dans le secteur culturel et les clubs sportifs de l’île sollicitent régulièrement son sponsoring.
L’entreprise met aujourd’hui l’accent sur la communication interne et la qualité de vie au travail, mais aussi sur son image et la qualité de sa marque employeur. Clémence, 31 ans, est bien placée pour appréhender l’évolution de la relation au travail de sa génération. « Il faut accepter l’idée qu’un salarié puisse décider de partir à tout moment, analyse-t-elle. À nous d’attirer les talents et de les garder, en répondant à leurs attentes, en proposant de la variété dans les tâches. »
Basée à Bras-Panon, RBI est un employeur important de l’Est. La majorité de ses salariés habitent entre Saint-André et Saint-Benoît, ses cadres viennent plutôt de Saint-Denis. La localisation de leur activité dans l’Est est, pour eux, un atout : à contre-courant des embouteillages, ils perdent un minimum d’énergie sur la route ! Ce qui n’épargne pas les difficultés de recrutement de Royal Bourbon Industries, dans certains métiers en tension : technicien de maintenance, conducteur de ligne… Ses homologues de Métropole rencontrent les mêmes difficultés.
Si Daniel Moreau ne cache pas sa satisfaction d’être désormais épaulé par l’une de ses trois filles, « je n’ai pas vrai-ment chercher à les influencer dans leurs choix de formation, dit-il, même si, dans la famille, nous avons à la fois une culture de l’agro-transformation et la fibre médicale : ma fille ainée est d’ailleurs médecin ».
La fibre agro-industrielle de Clémence est en effet héréditaire : son grand-père Paul fonda la coopérative de vanille de Bras-Panon, commune dont il fut maire pendant plus de trente ans, et racheta la Conserverie de Villèle. C’est sur les bases de cette petite entreprise traditionnelle de Saint-Benoît, où Daniel fit ses premières armes, que grandit RBI.
A 61 ans, l’ancien président de l’Adir (l’association des industriels) – et actuel président de l’Arifel, l’interprofession des fruits et légumes – est encore loin de passer la main. « Mais j’ai la responsabilité d’intégrer la nouvelle génération et tout ce qu’elle peut apporter, estime-t-il, tout en préparant la transmission de Royal Bourbon Industries ; avec Clémence ou pas, en fonction de ce qu’elle voudra et saura faire. Une industrie est une entreprise plus complexe qu’un commerce, le dirigeant choisit ce qu’il produit et les machines pour ce faire, tout en s’impliquant dans le marketing, le commercial, les RH… Aujourd’hui, je dois transmettre mes quarante ans d’expérience. La transmission d’entreprise est un enjeu important, auquel les dirigeants doivent se préparer. Sans tout miser sur la filiation, il ne faut pas négliger les avantages de rester un groupe familial, qui raisonne sur le long terme et fait toujours preuve de résilience pendant les crises. »
« Mon bureau n’est pas dans le même bâtiment que celui de mon père, mais j’aime bien le rejoindre en fin de journée et donner mon point de vue. Il m’écoute ou pas, résume pour sa part Clémence Moreau. J’aime l’industrie, c’est du tangible. J’ai commencé avec des trains, chez Alstom, je continue dans l’agroalimentaire. Je me réveille chaque matin avec de l’envie. Nous préparons un investissement de 5 millions d’euros pour renforcer notre capacité de transformation de fruits et légumes, nos activités pour la restauration hors foyer et à l’exportation connaissent un bon développement. Je n’ai pas le temps de me poser la question de ce que je ferai dans cinq ans, tellement nous avons de projets. »