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Siby Diabira
Afrique australe/Océan Indien

Siby Diabira, Directrice régionale de Proparco : « Notre volonté est de doubler nos engagements et de tripler les impacts ! »

Les chefs d’entreprise en Afrique ont un besoin de financement qui passe de plus en plus par de l’intermédiation. Pour Siby Diabira, c’est l’un des prolongements du métier historique de Proparco, le bras financier de l’Agence française de développement (AFD), qui est d’investir en prêts ou prises de participations dans les PME et les banques.

L’Éco austral : Plus de 40 ans après sa création, Proparco veut doubler ses engagements annuels d’ici à 2020, les faisant passer d’un milliard d’euros à deux milliards. Quel bilan pouvez-vous déjà dresser, en particulier pour notre sous-région ?
Siby Diabira
 : Même s’il nous reste un peu de temps avant de faire un bilan, je peux affirmer que nous sommes sur la bonne voie. À preuve, en 2018, nous avions engagé 1,6 milliard d’euros sur l’activité Proparco. Cette année, il y a eu une réorganisation du groupe AFD, cela nous a permis de récupérer une partie des activités qui étaient gérées par notre maison-mère et ainsi de proposer une offre « one-stop shop » à nos clients, notamment pour les lignes de crédits dédiées au climat ou les garanties de type Ariz (dispositif de garantie pour soutenir les projets de création et de développement des entreprises et des institutions de microfinance) que nous proposons aux banques commerciales.  Concernant la sous-région, depuis 2017, nous avons signé pour 340 millions d’euros de nouveaux projets, à mettre en relation avec la période 2014- 2016 où nous avions engagé 190 millions d’euros. On est dans une tendance à la hausse aussi bien en termes de volume que d’impact. Nous sommes rentrés dans de nouveaux secteurs, par exemple le logement social en Afrique du Sud. Nous avons pris des participations au sein de jeunes entreprises comme la fintech Jumo (une start-up sud-africaine qui permet de souscrire à des prêts et à des produits d’épargne depuis un téléphone portable). C’est un exemple fort de cette nouvelle stratégie visant à investir directement au capital des entreprises, notamment des start-up. Cela rejoint notre volonté de doubler nos engagements et de tripler les impacts ! 

Quels sont les secteurs prioritaires que Proparco soutient et veut soutenir ?
Notre bureau couvre l’Afrique australe et l’océan Indien. De fait, il y a des marchés plus matures que d’autres. Si l'on prend Maurice et l’Afrique du Sud, le secteur financier restera sans doute prédominant dans nos actions. Dans ces marchés matures, notre capacité à peser en tant qu’institution de financement du développement passe en grande partie par de l’intermédiation, c’est-à-dire que nos financements destinés à soutenir, par exemple, des PME passent par des intermédiaires financiers, le plus souvent des banques commerciales locales ou des fonds d’investissement. Proparco est là pour accompagner les acteurs intéressés en leur accordant des lignes de crédit dédiées comme l’AFD l’a fait avec SUNREF 1, 2 et 3 (Sustainable Use of Natural Resources and Energy Finance, une ligne de crédit verte). Il s’agit aussi de soutenir les banques qui veulent financer plus de PME, en particulier en Afrique. C’est l’objet de la signature, en 2018, entre la MCB et le groupe AFD, d’un prêt de 100 millions de dollars pour accompagner cette banque sur le continent. Il y a aussi des investissements directs dans les énergies renouvelables ou les infrastructures liées au traitement des déchets et des projets hydrauliques à Madagascar… L’agriculture et l’agro-industrie restent des secteurs prioritaires. Proparco a investi 10 millions de dollars, avec Amethis, un gestionnaire de fonds d’investissement dédié au continent africain, et le fond mauricien Kibo, dans l’entreprise Merec. C’est le leader de la production de farine et de produits à base de blé au Mozambique. Avec cette prise de participation, l’entreprise a financé la toute première boulangerie industrielle du pays !

Comment le Groupe AFD accompagne l’émergence de start-up en Afrique ?
C’est clairement pour nous un nouveau secteur. Investir en prêts ou en equity dans des PME ou des banques, c’est notre métier historique. On s’est rendu compte que des chefs d’entreprise ont un besoin de financement qui passe par de l’intermédiation : Proparco va financer des fonds d’investissement, de venture capital (capital risque), qui eux-mêmes vont investir dans ces start-up  avec des tickets entre 500 000 et trois millions de dollars. 
Cela entre dans le cadre de l’initiative Choose Africa à travers la-quelle 2,5 milliards d’euros seront dédiés aux entrepreneurs africains d’ici 2022. Au total, 10 000 petites et moyennes entreprises, dont des start-up, bénéficieront de cette opération. Par exemple, Proparco a investi dans le fonds Novastar qui soutient la société Sanergy qui a développé un réseau de toilettes payantes à bas coût. Les déchets organiques sont transformés en engrais et commercialisés auprès des paysans. Autre exemple, Partech Ventures a lancé Partech Africa, un fonds d’investissement qui a déjà réuni plus de 57 millions d’euros d’engagements sur sa cible de 100 millions exclusivement dédiés à l’écosystème africain. Par ailleurs, nous continuons à investir, au sein de start-up qui sont en phase de développement, lorsque l’entreprise génère des revenus mais n’est pas encore profitable. Ces opérations se font autour de plusieurs hubs comme le Kenya, l’Afrique du Sud, le Rwanda ou le Nigeria où Proparco est présente.

 

Siby Diabira

« La récente réorganisation du groupe AFD nous a permis d'être plus clair vis-à-vis de nos clients sur les activités des banques commerciales, sur les lignes crédits dédiées climat ou les garanties type ARIZ. »   ©Droits réservés

Quel ressenti avez-vous du positionnement des investisseurs mauriciens en Afrique ? Parfois, il semble que le contexte socio-politique de certains États semble complètement leur échapper ? 
Notre métier est d’investir dans des contextes pas nécessairement favorables. En 2014, nous avions investi dans trois entreprises au Zimbabwe. La situation a été assez complexe…  Mais ce sont des risques que nous devons prendre. La question n’est pas de retirer ses billes ou de ne pas les mettre du tout, il faut prendre des risques mesurés. Il faut se focaliser sur d’autres secteurs. Les populations continueront à aller à l’école, de se nourrir… Il faut donc investir dans ces domaines sur le long terme. C’est le choix que nous avons fait, comme par exemple avec le groupe Ciel en Afrique de l’Est. Bref, il faut penser au-delà de cinq ans. Les demandes que l’on perçoit d’entreprises de la sous-région sont de bénéficier de notre accompagnement. Au-delà de notre appui financier, Proparco a une vraie expertise pour accompagner des investisseurs sur des problématiques sociales, environnementales et de gouvernance qui représente un sujet clé. Car le succès des entreprises de demain passe par une gouvernance exemplaire !