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Studio Réunion met en scène l’est de l’île

Studio Réunion, c’est désormais la marque dédiée à la filière cinéma dans l’île et à sa promotion. Du 25 septembre au 2 octobre 2022, douze professionnels (producteurs, réalisateurs, repéreurs, scénaristes…) sont venus découvrir ses nombreux atouts et notamment ceux de l’est de l’île. Des projets de tournage sont déjà en gestation.

Célèbre pour ses montagnes, sa plaine lunaire et ses beaux lagons, La Réunion est devenue une véritable terre de tournages internationale. On peut y trouver la plupart des décors présents dans le monde. Et c’est grâce à l’initiative mise en place par la Région Réunion, Nexa (l’agence régionale de développement) et l’Agence Film Réunion (AFR) que, depuis 2012, des réalisateurs et des producteurs viennent découvrir chaque année la richesse et le potentiel de l’île. Après les incertitudes liées à la crise covid et la mise en place d’une nouvelle mandature à la Région Réunion, ces voyages de découverte ont pris une nouvelle tournure en 2022 et ont été baptisés Studio Réunion. La nouvelle équipe a décidé de renouveler le soutien aux tournages et de poursuivre les initiatives en faveur du cinéma. Dans l’optique de faire de La Réunion un véritable studio à même de créer plus d’emplois et de valeur ajoutée pour le territoire. « L’événement a évolué et a changé de nom. Nous voulons renforcer les liens avec la filière locale, avec plus de temps consacré aux échanges », indique Nadine Gironcel-Damour, conseillère régionale déléguée à l’Audio-visuel.

Sous la bannière Studio Réunion, douze professionnels (producteurs, réalisateurs, repéreurs, scénaristes…) sont venus découvrir, du 25 septembre au 2 octobre, les décors naturels, le patrimoine culturel de l’île intense, la filière locale de professionnels du secteur et les dispositifs d’accompagnement. Et contrairement aux années précédentes, un grand coup de projecteur a été mis sur l’est de l’île, ses champs de cannes à sucre, son patrimoine architectural et ses paysages.

C’est plus précisément le 19 et le 30 septembre que l’Est a tenu le premier rôle. Au générique : le temple tamoul Colosse et le Jardin-des-mille-et-une saveurs, à Saint-André, le mémorial Saint-Albius et le stade en eaux vives de Sainte-Suzanne, mais aussi les petits établissements touristiques de Bras-Panon, la Maison Folio à Hell-Bourg et l’hôtel Sarana à Mare-à-Vieille-Place, dans le cirque de Salazie. De quoi immerger les douze producteurs dans La Réunion pro-fonde. Et redonner du baume à une région qui se sentait un peu délaissée. « Dans les films qui sont tournés à La Réunion, tout se passe dans l’Ouest », regrette Primilla Cevamy, déléguée au Tourisme à la ville de Saint-André. Avec son coup de projecteur sur l’Est, Studio Réunion souhaite rétablir l’équilibre.

Nadine Gironcel-Damour, conseillère régionale déléguée à l’Audio-visuel : « L’événement a évolué et a changé de nom. Nous voulons renforcer les liens avec la filière locale, avec plus de temps consacré aux échanges. »
Nadine Gironcel-Damour, conseillère régionale déléguée à l’Audio-visuel : « L’événement a évolué et a changé de nom. Nous voulons renforcer les liens avec la filière locale, avec plus de temps consacré aux échanges. »

Outre la promotion de l’île comme studio de tournage, Studio Réunion veut développer les relations entre les producteurs extérieurs et les professionnels réunionnais, mais aussi mieux accompagner ces derniers. « Je suis bien entourée et conseillée par l’AFR et pour mon projet, un court-métrage sur la schizophrénie, j’ai bien bénéficié de toutes les aides, celles qui vont à l’écriture, au développement et à la production », dit avec satisfaction la réalisatrice de documentaires Corinne Russo.

Studio Réunion, ce sont des visites de sites, des rencontres entre professionnels, des ateliers et des projections de films, avec notamment cette année Zamal Paradise, de l’étonnant DK Pit, jeune auteur et réalisateur « péï ». Les rencontres B2B restent un moment fort de l’événement. Elles offrent la possibilité à un auteur de trouver un producteur, à un réalisateur de s’associer à un projet, à un scénariste de trouver un soutien… Ainsi, pour Ophélie Galant, scénariste, réalisatrice et directrice de casting à La Réunion, l’intérêt de participer à ces rencontres, c’est surtout de faire du réseautage, de créer des liens. L’auteure et scénariste de court-métrage Nathalie Banou a quant à elle pu développer son projet qui retrace l’histoire de son aïeule venue à La Réunion à l’époque de l’engagisme.

La qualité des techniciens réunionnais

Malgré un effondrement de son chiffre d’affaires en 2020 (24 millions d’Euros contre 37 millions en 2019) dû à la crise covid, la filière cinéma affiche une bonne santé puisque les tournages n’ont pas arrêté et que les projets se sont multipliés. Quatre-vingt-onze projets ont été soutenus en 2021, le plus grand nombre jamais enregistré depuis 2012. Le nombre d’emplois est passé de 649 en 2011 à 1 200 en 2021. Quasiment doublement aussi pour le nombre d’entreprises qui s’établissait en 2021 à 224, contre 142 en 2009, selon les derniers chiffres disponibles. […]

Visite guidée du temple tamoul de Saint-André.
Visite guidée du temple tamoul de Saint-André.

Plus d’une centaine de producteurs, réalisateurs et scénaristes du monde entier ont découvert La Réunion depuis 2012. Et certains d’entre eux y ont recréé le monde qui convient à leurs projets. Ainsi, Terrible Jungle, avec Catherine Deneuve et Jonathan Cohen, a utilisé une partie de l’Étang Saint-Paul pour recréer l’Amazonie. Le film Hawaï avec Manu Payet, dont l’action se passe dans cet état américain du Pacifique, a été tourné à Boucan-Canot. Dans le court-métrage Bazigaga de la société Fulldawa, ce sont les savanes des hauts de Saint-Paul qui ont servi à recréer le Rwanda. Enfin, le long-métrage néerlandais Sweet Dreams a été récemment tourné à La Réunion alors que l’intrigue se déroule dans l’Indonésie du début du XXe siècle.

Outre les paysages magnifiques, c’est la qualité des techniciens qui incite les équipes de tournage du monde entier à venir à La Réunion. Avec la présence régulière de tournages, les techniciens montent en compétence. Les équipes extérieures qui viennent dans le département ont donc peu de directives à donner pour que le film soit produit. Les techniciens sont de plus en plus performants et on peut même trouver des chefs de poste sur place…

L’auteure et scénariste de court-métrage Nathalie Banou a pu développer son projet qui retrace l’histoire de son aïeule venue à La Réunion à l’époque de l’engagisme.
L’auteure et scénariste de court-métrage Nathalie Banou a pu développer son projet qui retrace l’histoire de son aïeule venue à La Réunion à l’époque de l’engagisme.

Au plan technique, les professionnels locaux consentent aussi à réaliser de gros investissements dans le matériel, à l’instar de Studio Acoustik qui représente à La Réunion la société Transpalux, leader européen de la location de matériels pour les tournages de cinéma et de télévision. La société réunionnaise a investi gros récemment dans l’achat de caméras et de lumières, partant du constat que le fret est de plus en plus cher et que la logistique au départ et à l’arrivée de Métropole est toujours compliquée pour du matériel de tournage. « Ce que nous aimerions c’est que les producteurs puissent un jour venir à La Réunion les mains dans les poches », souhaite Thierry Thopart, le patron de Studio Acoustik.

Actuellement, trois films sont tournés dans le département : un long métrage dont le réalisateur n’est autre que l’acteur Jonathan Cohen, un épisode de la série très connue Camping Paradis menée par Laurent Ournac et un court-métrage de fiction de So-y-sen Maumont.

Kevin Cerveaux, économiste et délégué par la Région au financement des projets audio-visuels : « Des plafonds ont été rajoutés pour maîtriser les budgets, car il y a de plus en plus de demandes et le nombre de projets est en forte hausse. »
Kevin Cerveaux, économiste et délégué par la Région au financement des projets audio-visuels : « Des plafonds ont été rajoutés pour maîtriser les budgets, car il y a de plus en plus de demandes et le nombre de projets est en forte hausse. »

De la visibilité pour l’île intense

Dans un passé récent, Le Petit Piaf a été tourné dans l’Ouest, avec Marc Lavoine et Gérard Jugnot. Irréductible, de Jérôme Commandeur, a lui aussi été tourné sur l’île durant quatre mois et a nécessité l’embauche de 60 techniciens locaux. Parmi les autres tournages récents, on peut aussi citer La Malédiction du Volcan en 2019 avec Catherine Jacob…

Côté séries, l’île n’est pas en reste avec Joséphine L’ange Gardien, Scènes de Ménage ou encore Une famille formidable, tournées dans le département ces dernières années. Sans oublier OPJ, dont les derniers épisodes ont été tournés il y a peu, et la série Cut, dont l’intrigue principale avait lieu dans l’ouest de l’île, qui ont fait les beaux jours du petit écran.

Le « Jardin-des-mille-et-une saveurs » était au programme du périple mettant en valeur l’est de l’île.
Le « Jardin-des-mille-et-une saveurs » était au programme du périple mettant en valeur l’est de l’île.

Avec tous ces tournages, c’est l’économie de La Réunion qui en profite, à la fois par la création d’emplois dans l’audiovisuel et par les retombées touristiques qui résultent de la visibilité donnée à l’île avec, par exemple, Le Petit Piaf. « Cette visibilité n’a pas de prix pour l’image de La Réunion », assure Azzedine Bouali, président de la Fédération régionale du tourisme de La Réunion.

Thierry Thopart, dirigeant de Studio Acoustik : « Ce que nous aimerions, c’est que les producteurs puissent un jour venir à La Réunion les mains dans les poches. »
Thierry Thopart, dirigeant de Studio Acoustik : « Ce que nous aimerions, c’est que les producteurs puissent un jour venir à La Réunion les mains dans les poches. »

Mais il n’y a pas que les paysages et les techniciens qui poussent les producteurs à se déplacer. La Région Réunion octroie chaque année plusieurs millions d’euros de subventions aux tournages, dans le cadre de son partenariat avec le Centre national du cinéma. Le fonds de soutien en faveur de la filière cinématographique, audiovisuelle et multimédia attire de plus en plus de projets. S’il n’y avait pas ces aides de la Région Réunion, il n’y aurait pas eu de tournage. Depuis cette année, le mécanisme est plus détaillé, comme le précise Kevin Cerveaux, économiste et délégué par la Région au financement des projets audiovisuels. « Des plafonds ont été rajoutés pour maîtriser les budgets, car il y a de plus en plus de demandes et le nombre de projets est en forte hausse », indique l’économiste. Des bonifications sont venues se rajouter à l’ensemble, notamment dans le cas de créations ayant un important aspect musical, voire artistique de façon générale, ou résolument culturel.

Rencontre B2B entre professionnels de Métropole et de La Réunion.
Rencontre B2B entre professionnels de Métropole et de La Réunion.
Azzedine Bouali, président de la Fédération réunionaise du  tourisme, à propos du « Petit Piaf » tourné dans l’île : « Cette visibilité n’a pas de prix pour l’image de La Réunion. »

Profession : repéreur – Métier méconnu des spectateurs, celui de repéreur reste pourtant crucial dans la préparation d’un film. Ce rôle était auparavant tenu par les assistants réalisateurs, mais avec des super productions de plus en plus complexes et coûteuses, un poste à part entière a vu le jour ces dernières années. En France, une association regroupe environ une vingtaine de membres qui fonctionnent souvent en solitaire le temps d’un repérage qui peut durer plusieurs mois. Le repéreur effectue un véritable casting des décors, conformément au scénario, selon les désirs du réalisateur. Et il peut avoir une grande influence sur le choix d’un décor ou d’un lieu de tournage.

Laurent Médéa, Président de l'Agence Film Réunion.
Laurent Médéa, Président de l’Agence Film Réunion.

LAURENT MÉDÉA, PRÉSIDENT DE L’AGENCE FILM RÉUNION : « Continuité et mêmes objectifs » Avec la nouvelle mandature, l’équipe dirigeante de l’AFR (Agence Film Réunion) a changé. C’est désormais Laurent Médéa qui préside aux destinées de l’agence. Élu sur une liste par l’ensemble de la filière, son programme a convaincu les professionnels qui votent pour élire le bureau.
Si la nouvelle majorité à la tête de la Région a choisi de réduire les budgets de promotion du cinéma en 2022, à l’AFR on s’adapte à cette nouvelle politique. En revanche, la qualité du service est toujours au rendez-vous et l’engouement des producteurs est intact, comme l’assure Laurent Médéa. « En 2022, nous avons invité des producteurs qui font des films à succès », précise le nouveau président de l’AFR. Il explique que plus il y a de films à gros budgets, plus il y a de l’embauche et de l’activité économique. Cela permet aussi de structurer la filière et d’opérer des montées en compétence.
Lui-même producteur, Laurent Médéa connaît les exigences du métier. Pour la filière locale, certains défis restent entiers. En effet, le financement et le développement de projets cinématographiques non parisiens restent un peu une gageure. « (Dans le cinéma français), ce n’est pas automatique de penser à La Réunion, située à près de 10 000 km de la Métropole, lorsqu’il s’agit de faire des films », reconnaît le président de l’AFR. Mais cela n’empêche pas le cinéma réunionnais d’avancer, avec des actions concrètes comme celles qui interviennent au moment de la visite de producteurs, chaque année, et surtout avec la multiplication des tournages qui provoquent une véritable montée en compétence des professionnels locaux.