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Réunion

Thomas Nony : le régisseur sans stress

Le régisseur est le chef d’orchestre sur des spectacles, événements, concerts et festivals qui peuvent attirer 30 000 personnes, comme le Sakifo Musik Festival. Thomas Nony en a fait son métier, comme freelance d’abord, puis en créant en janvier 2018 son entreprise qui s’appelle tout simplement La Régie. Un antidote au stress qui guette les organisateurs…

« J’ai une chance : plus il y a de stress et plus je suis à l’aise. » Thomas Nony sait bien qu’il y a toujours des imprévus dans l’organisation d’un grand événement et il est là pour les gérer en gardant son sang-froid. Le must, c’est de faire en sorte que l’organisateur ou son client ne s’aperçoive même pas qu’il y a eu un problème quelque part. 
« On parle du régisseur comme d’un chef d’orchestre. C’est une réalité même si je n’interviens pas forcément sur la partie scénique. » Il est vrai que le nombre de musiciens à gérer peut être impressionnant, pour ce chef d’orchestre. Sur le festival de musique Safiko,  qui en est à sa 16e édition, on ne compte pas moins de 3 000 personnes qui interviennent : agents de sécurité, techniciens, prestataires de toutes sortes… Le festival se déroule fin juin, pendant quatre jours, sur le front de mer de Saint-Pierre, un espace de 4,5 hectares. « Il faut gérer le site avec le directeur technique. Cela représente trois semaines de chantier avec le montage et le démontage. » Thomas Nony fait partie des rares professionnels spécialisés dans la régie de spectacles et son entreprise, créée en 2018, s’appelle d’ailleurs La Régie. Après avoir été régisseur freelance durant dix ans, cela lui permet de gérer un pôle de régisseurs et de mieux répondre aux demandes. Il ne sont qu’une  poignée à La Réunion avec, pour certains, des spécialisations. Mais le métier demande de la polyvalence. « Il faut être capable, par exemple, de dessiner un plan. » 

Des impératifs pour la sécurité

Sur un gros événement, les domaines d’intervention sont très variés : structuration du site, fluides (eau, électricité, wifi), sécurité avec le secours aux personnes et la gestion des autorisation auprès de la préfecture. « Sur les gros événements, il nous faut même une autorisation d’ouverture d’établissement recevant du public (ERP), comme un cinéma ou un supermarché. » Ce qui implique la présence d’un défibrillateur et d’une antenne sanitaire.
Avec La Régie, Thomas Nony a pu obtenir le label français « prestataire de service du spectacle vivant ». À La Réunion, elles ne sont que deux entreprises à en bénéficier. Un pas de plus vers la professionnalisation d’un métier à laquelle veut contribuer le dirigeant de La Régie. Il intervient au sein de Jeudi Formation, un organisme de formation privé, et au sein d’une association visant à mieux structurer la filière des métiers du spectacle vivant. Thomas Nony s’intéresse beaucoup aux questions de sécurité, de plus en plus importantes et difficiles à gérer. Il est sans doute le régisseur le plus en pointe dans ce domaine inhérent au monde du spectacle. « Il y a encore des progrès à faire à La Réunion, en particulier dans tout ce qui est réglementaire, même si la qualité des événements s’améliore. »
Pour Thomas Nony, il semble bien que ce métier de régisseur était une vocation. Né en France métropolitaine, il est en classe de 5ème quand il regarde un reportage sur la tournée d’un groupe africain en France. Et il comprend que c’est le genre d’activité qui l’attire. Après avoir commencé des études en géographie qui devaient le conduire à enseigner, il s’arrête après deux ans.

La passion de la logistique et de l’organisation

« J’ai compris que ça ne me convenait pas, je n’adhérais pas à la pédagogie et j’ai bifurqué vers un DUT en animation socio-culturelle. » Pas de doute pour lui, sa passion, c’est l’organisation et la logistique. Venu à La Réunion en 1998 pour des raisons familiales, il se retrouve à faire mille métiers. Il est commercial dans une entreprise fournissant des épices et des baies roses et, pendant un an, il tient sa propre boutique spécialisée dans les fruits et légumes, l’épicerie fine et le vin, à la Pointe des Châteaux, à Saint-Leu. On le retrouve aussi animateur aux Villas du Lagon, hôtel qui deviendra Lux par la suite. Une activité qui lui convient mieux. Ses rencontres lui permettent de collaborer au festival Leu Tempo qui, au mois de mai, depuis vingt ans maintenant, propose à Saint-Leu de l’art de rue (cirque, théâtre…), sur pas moins de onze sites différents. 
Cette collaboration a commencé par la simple livraison de corbeilles de fruits fournies par sa boutique. Il passera ensuite au « catering » pour ce festival avant d’évoluer peu à peu vers le métier de régisseur. 
Aujourd’hui, il peut faire valoir de solides références puisqu’il intervient sur la plupart des grands événements organisés à La Réunion. Outre le Sakifo Musik Festival et le festival Leu Tempo, on peut citer les Francopholies qui accueillent chaque année, au mois de mars, quelque 20 000 personnes sur trois jours, et les Electropicales, tournées vers la musique électronique et qui s’ouvrent au rock.

 

Il y a souvent des tonnes de matériel à gérer.
Il y a souvent des tonnes de matériel à gérer.  ©Droits réservés
 

Dans l’optique du développement durable

Mais il travaille aussi sur des formats plus petits comme des événements organisés par des entreprises publiques ou privées (anniversaires, inaugurations, conventions de fin d’année…). « Le métier reste le même. Nous sommes un peu des traducteurs qui expriment techniquement les besoins de nos clients. Nous travaillons en amont avec parfois aussi de la conception. Mais le cœur de notre métier reste l’humain. Le régisseur est un médiateur qui doit éviter les tensions, comme un coordinateur de chantier dans le secteur du bâtiment. » 
Outre son engagement dans la professionnalisation de la filière des métiers du spectacle vivant, Thomas Nony développe une véritable activité de conseil. « Je me place dans une optique de développement durable. Je m’efforce par exemple d’éviter d’utiliser de la moquette parce qu’elle sera jetée une fois terminé l’événement. Le régisseur n’est pas qu’un simple exécutant, il doit être une force de proposition. »