Une économie très dynamique au deuxième semestre et surtout en 2015
Avec le retour des bailleurs de fonds – dont le FMI qui vient de débloquer des fonds -, l’arrivée de nouveaux acteurs dans le secteur bancaire et la réintégration de Madagascar au sein de l’AGOA, les perspectives sont plutôt bonnes.
La période de transition, et son lot d’insécurité et d’incertitudes, devait être une période de léthargie pour le secteur financier malgache. Mais l’actionnariat de deux grandes banques a été profondément modifié. Fin 2010, BNP Paribas a annoncé céder les 75% qu’elle détenait dans la Banque malgache de l’océan Indien (BMOI), une banque qu’on estime se situer à 16% de parts de marché et particulièrement bien ancrée sur le segment des entreprises. En 2010, la BMOI avait réalisé 9 millions d’euros de bénéfice net pour un produit net bancaire de 20 millions d’euros. En concurrence avec le Gabonais BGFI Bank sur ce rachat, c’est finalement le groupe français BPCE (Banque Populaire – Caisse d’Épargne) qui l’a emporté pour un montant, non confirmé officiellement, de 50 millions d’euros. Lequel groupe avait pourtant lancé auparavant son réseau Banque des Mascareignes Madagascar, filiale de sa banque mauricienne. Cette opération a conduit BGFI Bank à implanter une filiale à Madagascar. Numéro un en Afrique centrale, le groupe gabonais est à la recherche de nouveaux relais de croissance et « mise sur la classe moyenne africaine qui nécessite le développement de la banque de détail », selon son Pdg Henri Claude Oyima, interrogé récemment par le magazine « Jeune Afrique ». Il a évoqué par ailleurs les pertes d’exploitation successives sur ses trois années de présence à Madagascar. Mais Henri Claude Oyima souligne que l’implantation sur le sol malgache répond à une logique géostratégique car la Grande île représente selon lui un « pont entre l’Afrique, l’Europe et l’Asie ».
L’autre feuilleton bancaire récent est celui de la vente de la BNI Crédit Agricole. Après trois ans de pourparlers et de retournements de situation dont un changement dans l’identité des futurs acquéreurs, le Crédit Agricole a finalement pu céder les 51% qu’il détenait dans cette banque à IOFHT (Indian Ocean Financial Holding Limited) qui associe le groupe mauricien CIEL et le Malgache First Immo. La BNI devient ainsi la troisième banque à capitaux mauriciens après la MCB (Mauritius Commercial Bank) et la SBM (State Bank of Mauritius).
AMÉLIORATION DU CLIMAT DES AFFAIRES
L’horizon semble aussi s’éclaircir côté malgache. La levée de 294 millions d’euros en 2013 dont 110 millions d’euros investis dans des entreprises privées, c’est la performance communiquée par les membres de l’Association malgache des investisseurs en capitaux (AMIC). Ces financiers, d’habitude très discrets, se sont réunis devant la presse à Tananarive. Ces fonds levés à 62% auprès d’institutions financières et de développement, et à 38% auprès d’investisseurs privés, sont placés dans des activités dont plus de 83% se trouvent dans le secteur des services : hôtellerie, services touristiques et services aux entreprises. Les membres de l’AMIC sont la FIARO, branche financière de la compagnie d’assurances ARO, Madagascar Development Partners (MDP), Assist Développement, Adenia Partners, Solidis et, pour les institutions publiques, le Fonds de portage et de privatisation (FPP) et la Société nationale de participations (Sonapar). Le FPP vient d’être remis sur les rails sur recommandation de l’actuel gouvernement, le président de la République Hery Rajaonarimampianina étant un bon connaisseur de ce fonds public appuyé par la Banque mondiale à travers le Projet de développement du secteur privé (PDSP2). C’est au FPP que l’on doit plusieurs projets de privatisation de sociétés d’État à Madagascar entre 1996 et 2005, année de sa mise en veille.
Des groupes textiles comme Socota devraient profiter de la réintégration de Madagascar parmi les pays africains bénéficiaires de l’AGOA (African Growth Opportunity Act). Un dispositif qui permet d’échapper aux droits de douane à l’entrée du marché américain.
RETOUR DES FINANCEMENTS INSTITUTIONNELS
Les changements d’actionnariat et l’arrivée de nouveaux acteurs dans le secteur bancaire ont été un prélude à l’annonce des futurs financements et partenariats de la part des institutions financières et des pays donateurs. Hery Rajaonarimampianina a prononcé la phrase clé pendant son premier discours de célébration de la fête de l’Indépendance, le 26 juin dernier : « Notre politique économique sera ambitieuse pour les cinq années à venir. » Ayant inauguré le nouveau marché au centre de la ville de Tamatave et l’extension du port de cette ville de l’est de Madagascar, et en acceptant le patronage du salon international des Mines et des hydrocarbures à Tananarive dans la même semaine, le président malgache a réitéré dans ses discours cette ambition qu’il place au sommet de son programme économique. Les choses semblent aller dans ce sens car le Fond monétaire international (FMI) a ouvert le premier, mi-juin, les vannes des aides budgétaires en octroyant 36,64 millions d’euros (47,1 millions de dollars) après l’annonce faite par la Banque mondiale au mois de mai d’un déblocage futur de 294 millions d’euros (400 millions de dollars). Le FMI et la Banque mondiale ont par ailleurs promis leur appui lors des négociations que Madagascar aura à établir auprès d’autres institutions comme l’Union européenne et les pays donateurs dont la France et le Japon. Les propos de Min Zhu, directeur général du FMI, au mois de mars, lors de la visite à Washington de Hery Rajaonarimampianina étaient clairs sur ces engagements : « La reprise des relations avec le Fonds marque la fin d'une période de troubles économiques pendant laquelle l'activité a ralenti, l'investissement a stagné et les indicateurs de gouvernance se sont dégradés. » Il faut noter que Madagascar vient à nouveau d’être rendue éligible à l’African Growth Opportunity Act (AGOA) par le gouvernement américain. Dans la foulée, la Grande île réintègre le système d’Initiative pour la transparence de l’industrie extractive (EITI) avec des réformes de textes sur l’activité extractive et les engagements sociaux, notamment pour les 35 compagnies déjà implantées à Madagascar.
Cet éclaircissement de l’environnement des affaires à Madagascar attire de nouveaux partenaires régionaux. L’Afrique du Sud, ne figurant pas dans la liste des pays donateurs, s’est engagée comme partenaire en créant la Chambre de commerce Madagascar-Afrique du Sud (MASAC) au mois de mars. Cette institution sera une plateforme de rencontre entre les investisseurs des deux pays avec la mise en place d'un système de partage d’informations économiques et d’opportunités d’affaires. La MASAC a communiqué l’intention de quelque 130 investisseurs sud-africains d'engager des pourparlers avec les investisseurs malgaches dans le domaine du BTP et du logement sous l’égide de la banque DBSA (Development Bank of South Africa) avec une capacité de 400 millions de dollars à engager dans ces futurs investissements.
Ce retour était prévu mais sa date encore incertaine. Les observateurs et analystes tablaient pour le mois d’août, après le sommet États-Unis–Afrique où le président de la République Hery Rajaonarimampianina devrait passer un grand oral pour présenter sa politique et son programme de développement. Mais en plus du lobbying effectué par un partenariat public-privé, les efforts déployés par l’administration malgache depuis le début de l’année ont convaincu Barack Obama. Une partie des critères imposés par les américains a été remplie. Le pays est revenu à l’ordre constitutionnel et à l’État de droit, le gouvernement Roger Kolo est en place, le Bureau indépendant anti corruption (BIANCO) a un nouveau dirigeant à sa tête et le président de la République s’est personnellement engagé pour lutter contre le trafic de bois de rose. Beaucoup reste cependant à faire : la protection des droits de l’homme et des travailleurs, la mise en place d’une justice impartiale ou encore la réconciliation nationale. L’accord est de toute façon revu chaque année. Le chef de l’État malgache est ainsi tenu de réaliser tous les engagements annoncés lors de son discours d’investiture.
Outre le fait d’être un symbole de la bonne marche de l’administration Rajaonarimampianina, la décision américaine vient surtout donner une impulsion nouvelle à l’économie malgache. En effet, l’AGOA, en exonérant les exportateurs malgaches à l’entrée du marché américain, avait énormément apporté au pays en termes d’emplois et de revenus pour l’État. Depuis son application en 2000, une centaine d’entreprises ont été créées ou ont pris la voie de la formalisation. 172 sociétés établies sous le système de zone franche industrielle, dont 90% dans le textile, étaient ainsi opérationnelles jusqu’à la suspension de l’AGOA en 2009. Durant ces neuf années d’application, Madagascar a réussi à générer 200 000 emplois directs, majoritairement dans le domaine textile. Par ailleurs, l’AGOA a permis à ce secteur d’être la deuxième source de devises pour l’État car le marché américain est un bon débouché des productions malgaches. L’AGOA pourrait permettre ainsi au secteur textile de se relancer et de combler les 145 millions de dollars de manque à gagner affichés en 2010. Ce défi peut être relevé au vu du savoir-faire malgache dans certains segments de l’habillement comme la broderie à la main ou encore les mailles. Selon le Groupement des entreprises franches et partenaires (GEFP), les exportations dans le cadre de cet accord ne seront effectives, au plus tôt, que vers la fin de l’année. Néanmoins, 100 000 emplois directs devraient être créés au cours des deux prochaines années. Par ailleurs, d’autres produits peuvent être exportés vers les Etats-Unis, notamment les produits pétroliers comme l’huile lourde de Tsimiroro. Les 23% d’entreprises implantées localement qui concourent pour le marché américain et les potentiels investisseurs ont le temps de se préparer pour reconquérir ce marché. Même si l’AGOA doit s’achever en septembre 2015, Madagascar et d’autres pays africains prévoient de négocier pour le prolonger jusqu’en 2025.
Njaratiana Rakotoniaina