Vino Sookloll : l’OVNi de la pub mauricienne
Depuis un peu plus de trente ans, avec son agence Cread, il secoue le cocotier dans le paysage publicitaire et remporte de jolis succès.
Résultats de sa capacité à surprendre et à innover.
« Je ne suis pas dans la publicité pour faire du business, je suis dans le business pour faire de la publicité ! » Cette formule, lancée dans un grand éclat de rire, résume l’idée que Vino Sookloll se fait de son métier. Pourtant, rien ne le prédestinait à lancer en 1982 Cread, devenue rapidement l'une des agences majeures du secteur de la publicité à Maurice (avec un CA qui atteint aujourd’hui 70 millions de roupies – 1,75 million d'euros). Le fondateur et dirigeant de Cread, qui est également son directeur créatif, avoue que c'est « par pur hasard » qu'il s'est lancé dans ce domaine… en y investissant 500 roupies (12,5 euros). Cet homme de communication a été formé sur le tas, comme il l'avoue lui-même. « Par contre, je ne suis pas formaté », tient-il à préciser. Cread se démarque dès ses débuts en proposant plus de visuels et moins de textes. Cette approche va d’ailleurs lui permettre de lancer une publicité télévisée qui va révolutionner le secteur et se graver dans la mémoire des Mauriciens en s’adressant à eux en créole. Il s’agit alors de concevoir une campagne pour son client Maurifood, distributeur de produits alimentaires, qui veut promouvoir une gamme de conserves de légumes. Vino a l’idée de mettre en scène un meeting politique organisé par des légumes. « C’était du bricolage. On a découpé des visages, des bras et des jambes dans du carton. » Mais la campagne rencontre le succès. Ce coup d'essai est un coup de maître car Cread impose une nouvelle façon de faire de la publicité à Maurice. « C'était un acte militant, à l’époque, que de convaincre les entreprises de parler la langue de leur clients pour mieux les toucher. » L'utilisation du créole pour des campagnes publicitaires fait d’ailleurs grincer quelques dents. « Un lycée très connu m'enverra une lettre de protestation selon laquelle je n'écrivais pas correctement le français. Je leur ai répondu: qui vous dit que j'écris le français ? »
L'AFRIQUE, LE NOUVEL ELDORADO
Impressionnées, des entreprises de premier plan, comme Panagora, la Mauritius Commercial Bank, les magasins Kallachand et Pepsi Cola, lui confient alors leurs campagnes. Et l’agence construit sa réputation. Mais le marché mauricien se révélant étroit, Cread cherche à prospecter ailleurs. Au même moment, le groupe malgache Sipromad la sollicite avec l’ambition de communiquer dans le prestigieux magazine américain « Fortune ». Là encore, c'est une réussite. « Nous avons reçu les félicitations de la publication américaine qui avait apprécié notre professionnalisme. Elle avait tenu à nous le faire savoir », raconte Vino avec un brin d’émotion dans la voix. Auréolé de ce succès, il vise alors désormais les marchés étrangers et en particulier africains. À l'instar de beaucoup de ses confrères, il s'affilie à une multinationale de la communication par l'obtention d'une franchise. Il s'associe, en 1996, avec Draft Fcb, la troisième plus an cien ne agence de publicité au monde. « En fait, ce sont eux qui sont venus me voir », glisse-t-il en souriant. L'affiliation est gratuite, mais Cread verse chaque année une somme proratée à son chiffre d'affaires « uniquement sur les marques internationales représentées par Draft Fcb » et des frais annexes. « En contre partie, notre affiliation nous permet de profiter de l’expertise, des outils profes sionnels et surtout d'intégrer le réseau de 190 bureaux répartis dans 102 pays dont 25 États africains, explique Vino. J'ai également accès au réseau interne du groupe, à la formation et aux études de marchés. Mais surtout, nous faisons partie de l'African Cristal Festival et pouvons présenter et proposer le savoir-faire mauricien aux entreprises africaines. D'autant plus que nous représentons Draft Fcb à La Réunion, à Madagascar et aux Seychelles. » Vino fait ainsi partie de l'Executive Commitee de la multinationale en Afrique. Un comité qui décide de la stratégie dans ce continent, en particulier pour l'Afrique francophone. Vino croit au potentiel de ce continent africain. « C'est maintenant qu'il faut y aller. Et pour ça, il faut prendre des risques ! » Les demandes majeures des entreprises africaines portent essentiellement sur la communication de marque, le « branding » et le design. « Elles veulent contrôler leur image. Les Mauriciens ont les compétences pour répondre à ces demandes et nous sommes bon marché. Il faut nous organiser pour y aller ensemble. »