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« Le visa premium est une superbe initiative pour les travailleurs individuels séduits par la vie nomade, mais ce n’est malheureusement pas fait pour tout le monde. »
Maurice

Julien Faliu, fondateur et dirigeant d’expat.com : Le « work from anywhere » pourra difficilement devenir une norme

Avec son « premium visa », Maurice souhaite attirer des télétravailleurs du monde entier. Mais la concurrence est rude et les contraintes ne manquent pas. Qu’en pense Julien Faliu, fondateur et dirigeant du site « expat.com », élu Entrepreneur de l’année en 2019 par « L’Éco austral » ?

L’Éco austral : Quel est l’impact de la pandémie sur les projets d’expatriation vers Maurice ? 
Julien Faliu :
On constate que les personnes préparant leur expatriation à Maurice ont un profil différent désormais. Elles partent avec un projet bien construit ainsi qu’avec un emploi. Auparavant, il n’était pas rare que Maurice séduise des personnes qui souhaitaient tenter leur chance, venant prospecter quelques mois, sans avoir vraiment défini à l’avance ce qu’elles allaient faire sur place. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Lorsque le pays avait rouvert ses frontières en imposant une quarantaine payante, cela était relativement engageant pour les nouveaux arrivants et expliquait ce nouveau profil d’expatriés. Avec la fermeture des frontières, cela a filtré encore davantage les arrivées et ceux qui ont maintenu leur projet d’installation sur l’île étaient les plus motivés et préparés. 

Pensez-vous que le télétravail aura un impact dans la durée ou s’agit-il plutôt d’un phénomène exceptionnel dû à la situation sanitaire mondiale ? 
Oui, la pandémie a vraiment fait entrer le télétravail dans les moeurs de la plupart des entreprises. Cependant, il faut bien faire la différence entre le télétravail choisi et souvent ponctuel, qui était déjà pratiqué par certaines entreprises, et celui imposé, et à 100 %, comme c’est le cas avec la crise sanitaire. Actuellement, le télétravail est une obligation. Ceux qui en sortent gagnants sont ceux qui ont su s’adapter et opter pour des outils SaaS (software as a service), qui permettent un travail collaboratif entièrement dématérialisé et plus efficace. La tendance du work from home va sûrement s’installer, mais, dans les faits, de façon ponctuelle. Quant au fait d’avoir un emploi et de pouvoir l’exercer partout sur la planète, aussi appelé work from anywhere, il s’agit vraiment d’une pratique idéalisée actuellement, mais qui pourra difficilement devenir une norme. En effet, différentes lois régissent la protection des données et les taxes à verser, selon les pays du monde et les sociétés ne seront pas en mesure de superviser et épauler leurs employés qui souhaiteraient pouvoir travailler de n’importe quel pays. Les procédures et démarches sont trop contraignantes et nécessiteraient une connaissance fine des législations de chaque État. 

Que pensez-vous de l’offre premium visa de Maurice ? Peut-elle vraiment séduire ? 
C’est une superbe initiative pour les travailleurs individuels séduits par la vie nomade, mais ce n’est malheureusement pas fait pour tout le monde. Les salariés pourront difficilement en profiter. Toutefois, le développement de ces nouveaux visas est une réponse judicieuse des gouvernements et une véritable preuve de résilience des pays face à la crise. 

 

« À l’heure actuelle, on dénombre pas moins de 25 pays ayant mis en place un visa dédié aux nomades digitaux. »
« À l’heure actuelle, on dénombre pas moins de 25 pays ayant mis en place un visa dédié aux nomades digitaux. »   © Stocklib/Kaspars Grinvalds
 

D’autres pays proposent-ils ce type de visa ? Comment cela est-il accueilli ? 
À l’heure actuelle, on dénombre pas moins de 25 pays ayant mis en place un visa dédié aux nomades digitaux. Tout comme Dubaï, l’île de la Barbade, le Costa Rica, la Grèce ou encore le Portugal, Maurice a mis en place un visa premium, permettant aux travailleurs étrangers de séjourner sur l’île pendant un an, renouvelable. Pour cela, ils doivent renoncer au fait de chercher un emploi sur place et prouver qu’ils ont des revenus suffisants pour leur séjour. Ce nouveau type de visa est très bien accueilli par les indépendants et tous ceux qui souhaitent se lancer dans l’entreprenariat et renforce l’attractivité de ces destinations en ces temps compliqués. Toutefois, ce visa a ses limites pour les salariés qui auront du mal à négocier avec leur employeur un départ pour l’étranger. 

Pourquoi ? 
Il est compliqué pour un employeur d’avoir des salariés dans divers pays quand l’entreprise n’a pas de branche dans les destinations en question. En effet, selon la juridiction où se trouve l’employé, la protection sociale, les impôts et la loi sur la protection des données diffèrent. Cela rend les velléités des employés qui aimeraient gagner en flexibilité en travaillant de n’importe où, tout en conservant la sécurité de leur emploi en CDI, relativement complexes dans leur mise en oeuvre. 

Pourquoi les « nomades digitaux » trouvent-ils que Maurice est attractive ? Cela peut étonner quand on sait que Maurice est quelque peu à la traîne au niveau de la numérisation ? 
Un nomade digital reste rarement plus de deux ou trois mois d’affilée dans le même pays. Il cherche généralement à vivre à bas prix, à avoir un meilleur équilibre travail-vie personnelle tout en ayant une certaine liberté de mouvement. Le visa premium proposé par Maurice vise notamment à attirer ce type de profils, mais il est un peu tôt pour dresser un bilan puisque les frontières, jusqu’en octobre, n’étaient pas pleinement ouvertes.

Top 15 des meilleurs destinations
 

Le premium visa pour un nouveau type de travailleurs étrangers

Le premium visa a pour objectif d’accueillir un nouveau type d’étrangers à Maurice. Il s’agit d’ouvrir le pays tout en protégeant le marché du travail mauricien. L’Economic Development Board (EDB), agence de développement du pays, responsable de l’octroi de ce visa, avance que « les visiteurs intéressés doivent fournir la preuve de leur projet de long séjour et d’une assurance voyage et maladie adéquates pour la période initiale de séjour ». Ils doivent aussi répondre à d’autres conditions : ne pas intégrer le marché du travail mauricien ;
« le lieu d'activité principal et/ou la source de revenus et de bénéfices doivent être en dehors de l’île Maurice ».

 

Qu’est-ce qu’une bonne destination pour le télétravail ?

En faisant une recherche rapide sur Internet, on peut trouver différents classements des meilleurs lieux pour le télétravail, c’est-à-dire les villes et pays à partir desquels on peut travailler à son compte ou pour un employeur étranger. Force est de constater, premièrement, que Maurice figure sur très peu de ces listes. Les raisons : Maurice se positionne depuis à peine un an et les critères d’évaluation lui sont défavorables dans bien des cas. Un des premiers critères est le coût de la vie, et principalement du loyer. Même si le coût de la vie est relativement bas à Maurice, la location immobilière à l’intention des étrangers est généralement bien plus élevée que celle destinée au marché local. Autre facteur, la connectivité à Internet ; avec le quasi monopole de l’opérateur téléphonique Mauritius Telecom dans la fibre optique pour les particuliers, la résilience du réseau laisse à désirer.