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Le « coronaPoutine » nous fait oublier le coronavirus

Avant d’entrer dans la danse, voici un petit intermède aussi léger que l’actualité est lourde. J’ai appris de la bouche d’un Parisien le surnom que les habitants de la capitale française donnent à leur maire Anne Hidalgo : « Notre drame de Paris. » Ce qui résume son niveau de popularité parmi ses administrés. Mais loin de s’en émouvoir, l’inspectrice du travail s’est engagée dans la course présidentielle où elle porte les couleurs du Parti socialiste. Dans le sondage Ifop-Fiducial, réalisé du 8 au 11 mars, c’est-à-dire un mois avant l’élection, elle arrivait à 6 % des intentions de vote. Bien mieux que l’écolo Yannick Jadot, qui végète à 2 %, mais pas mieux que Benoît Hamon en 2017 qui, à 6,35 %, avait réalisé le plus mauvais score de toute l’histoire du Parti socialiste. Au moins, celui-ci pourrait se faire rembourser un nouvelle fois par l’État 47,5 % de ses dépenses de campagne, soit quelque 8 millions d’euros si le plafond de dépenses de 16,85 millions d’euros est atteint. Pour cela, il faut franchir le cap fatidique de 5 % des suffrages exprimés. Voilà à quoi en est réduit le parti qui avait conduit François Mitterrand au pouvoir pendant 14 ans ! 

Les pompiers pyromanes

Mais tout cela, c’est de l’histoire ancienne, la « génération Mitterrand » est aujourd’hui à la retraite ou pas loin. Et l’Histoire avec un grand « H » continue de défiler sous nos yeux comme Vladimir Poutine vient de nous le prouver. Le président russe est devenu, pour les médias occidentaux, le nouveau coronavius, le « coronaPoutine » en quelque sorte, qui nous fait oublier l’autre, le SARSCoV- 2 qui nous pourrit la vie depuis deux ans avec le concours d’autorités désorientées. La guerre en Ukraine a au moins le mérite de nous avoir fait oublier la covid-19. Quand je dis « nous », c’est un peu exagéré car le monde entier est loin d’être contre Vladimir Poutine et de le diaboliser. Il suffit de regarder du côté de l’Afrique et de l’Asie. C’est surtout en Europe de l’Ouest et aux États- Unis qu’on agite l’épouvantail en criant « au feu ! » après avoir allumé l’incendie. Coup d’État en 2014 pour faire tomber un président ukrainien qu’on trouvait trop proche de la Russie, volonté de faire entrer l’Ukraine dans l’Union européenne et dans l’Otan, non respect des accords de Minsk, bombardements incessants de l’aviation ukrainienne sur la province du Donbass qui auraient tué 13 000 civils depuis 2014, selon la reporter de guerre Anne-Laure Bonnel. À la différence de nombreux va-t-en-guerre, cette dernière s’est rendue plusieurs fois sur place, menant des enquêtes détaillées.

L’Otan en question 

La liste des méfaits est longue avec toujours aux manoeuvres les États-Unis bien meilleurs dans le soft power que dans les guerres, qu’ils ont toutes perdues, comme le rappelle le géopolitologue Alexandre del Valle. Il faudrait remonter à la dislocation de l’Union soviétique en 1991, que certains ont vue à tort comme la fin de l’Histoire, pour comprendre ce qu’il se passe. 
Fait marquant, en 1999, du 24 mars au 10 juin (pendant 78 jours), l’Otan bombarde la Serbie sans mandat de l’ONU. Il est bon, pour comprendre l’historique de ces événements, de lire l’ouvrage de Pierre-Henri Bunel, Crimes de guerre à l’Otan (1).
On ne devait pas s’étonner de la décision de Vladimir Poutine si l’on était correctement informés. Et pas seulement par de l’info en boucle, produite en fonction d’événements d’actualité, pour faire peur et doper l’audience. Peut-être aussi pour manipuler l’opinion. Le 10 février 2007, lors de son discours à la conférence de Munich sur la sécurité, le maître du Kremlin avait déjà exposé sa vision du monde et de la place de la Russie. « J’estime que dans le monde contemporain, le modèle unipolaire est non seulement inadmissible, mais également impossible », avait-il déclaré. 

Une partie d’échecs

Selon le théoricien militaire prussien du XIXe siècle Carl von Clausewitz, « la guerre, c’est la continuation de la politique selon d’autres moyens ». Et selon le grand géographe et géopolitologue français Yves Lacoste, « la géographie, ça sert, d’abord, à faire la guerre », c’est le titre d’un de ses livres paru en 2014.
Évidemment, tout cela n’exonère pas Vladimir Poutine des conséquences de ses actes, des morts de civils qui surviennent. 
Personne ne peut dire, à l’heure où j’écris ces lignes, comment va se terminer la partie d’échecs. Certes, le président Russe est un bon joueur de ce jeu de stratégie, mais il arrive même aux maîtres de perdre. En attendant, il vaut mieux prendre avec des pincettes toutes les informations en provenance du front. Nous avons déjà connu ça en Irak et en Syrie. Et les va-t-en-guerre qui mettent de l’huile sur le feu auront du sang sur les mains. 
On est déjà entrés dans une nouvelle guerre (civile) de religion après celle qu’on nous impose depuis deux ans, entre les « pro » et les « anti » vaccins, sans raison garder, et qui devient lassante, d’autant que la covid-19 ne fait plus vraiment peur. Voilà le CoronaPoutine qui alimente désormais les réseaux sociaux ! Et le cortège de décisions toujours aussi outrancières avec des sanctions qui feront plus de mal aux économies occidentales qu’à l’économie russe. Sans parler des dommages collatéraux dans d’autres régions du monde comme l’océan Indien.

(*) Crimes de guerre à l’Otan, par Pierre-Henri Bunel. Éditions Numéro 1 (2000).