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Les rois de la croissance en Afrique
Maurice

Un an de forums pour mieux comprendre les Afrique(s)

Pendant un an, « L’Éco austral », en partenariat avec AXYS, a organisé chaque mois un Forum des Afrique(s) sous la forme d’une table ronde et autour d’un thème précis. Ce premier cycle a permis d’identifier des besoins et des opportunités dans de nombreux secteurs…

Forum 1 : L’Afrique, nouvelle terre promise de l’immobilier ? 
La première édition du Forum des Afrique(s), organisée en juin 2019, s’est intéressée à l’immobilier. En effet, L’Afrique connaît, depuis plusieurs années, une croissance économique plus ou moins forte selon les pays. Et l’on commence à voir émerger une classe moyenne estimée entre 300 et 400 millions d’individus. Cette population jeune, souvent hyper-connectée, a d’autres envies. En outre, la diaspora, non seulement rentre au pays, mais y investit. 
La demande de la classe moyenne africaine s’incarne dans les centres commerciaux qui se multiplient. Cela conduit à une urbanisation accélérée et l’on voit émerger des opportunités d’affaires considérables. Toutefois, le continent africain est loin d’être monolithique, il faut donc avoir une approche très analytique pour identifier à l’avance les pays dans lesquels on veut investir. Maurice est capable de relier l’offre et la demande dans l’immobilier, même s’il est plus difficile de lever des fonds à Maurice pour l’Afrique qu’en Europe ou aux États-Unis… L’une des solutions est la mutualisation de l’expertise, du financement et des ressources. 
En même temps, s’il faut aller en Afrique, il faut aussi attirer des capitaux africains à Maurice. Les smart-city, qui sont aussi de nouvelles façons de penser l’urbanité avec l’appui de la technologie, sont un savoir-faire mauricien capable de séduire des acheteurs continentaux. Si ce sont de bons produits d’investissement – beaucoup d’étrangers revendent à moyen terme leur bien -, il faut repenser l’offre culturelle pour les inciter à rester à Maurice. L’île doit se réinventer pour pouvoir bénéficier de la vague africaine.

 

Les rois de la croissance en Afrique

Forum 2 : Une classe moyenne tentante mais insaisissable 
Dans le prolongement du premier forum, la deuxième table ronde s’est efforcée d’évaluer cette fameuse classe moyenne africaine en lien avec l’urbanisation accélérée du continent. Un exercice qui n’a rien d’évident car les chiffres varient beaucoup selon les critères retenus. Il y a néanmoins des signes comme, par exemple, le développement fulgurant des smartphones. Pas moins de 660 millions d’habitants du continent africain sont équipés d’un « téléphone intelligent », deux fois plus qu’en 2016. Le mobile est plus qu’un téléphone. Il permet de se connecter à Internet et d’accéder à des services bancaires. Il est une vraie réponse au faible taux de bancarisation. Pour s’implanter en Afrique, il faut donc miser sur la digitalisation. Si elle bouscule les habitudes, elle a aussi des avantages : pas besoin d’accroître un réseau d’agences et de dépenser dans des coûts d’acquisition et d’opération. Mais il faut proposer des choses différentes et innovantes, prenant en compte les demandes et les réalités du continent comme le secteur informel. Il représente 80 % à 90 % des marchés.

 

Comparaison des moyennes d'âge

Forum 3 : Comment surfer sur la transition numérique 
Évoluant sur un marché étroit et confrontés à un opérateur téléphonique en position dominante, les opérateurs mauriciens visent le continent africain. Certaines entreprises ont développé une véritable expertise. À l’instar d’Agileum (ex-DCDM), installé au Botswana depuis 1998. Quant à EDS, elle s’est développée en anticipant l’explosion d’Internet. Choix pertinent car le taux de pénétration d’Internet en Afrique de l’Ouest et du Centre n’est que de 45 %. La marge de croissance est d’autant plus forte que 80 % de la population est âgée de moins de 16 ans. Maurice dispose d’une fenêtre de tir car les régulateurs africains sont en attente de contenus. Et ils ont confiance dans la compétence des opérateurs mauriciens. Alors que, selon la Banque mondiale, 77 % des jeunes Africains ne finissent jamais le collège, AfriEDX, l’entreprise de François Mark, utilise les technologies d’immersion, plus connue comme la réalité virtuelle, à des fins pédagogiques dans le cadre de l’éducation formelle. Cette technologie a aussi des applications dans la médecine… Autre opportunité pour les entrepreneurs et les investisseurs : améliorer des infrastructures vieillissantes. Proposer une offre « Made in Moris » combinant les différentes compétences locales serait une bonne stratégie.
 

La révolution de la banque mobile

Forum 4 : Maurice a sa carte à jouer dans l’industrie 
Le continent africain est très faiblement industrialisé. La part mondiale de ses exportations de biens manufacturiers est inférieure à 1,3 % ! Et l’Afrique du Sud représente plus de 36 % des exportations africaines. À Maurice, la désindustrialisation n’est pas pour demain. Ce secteur pèse encore 17,6 % du produit intérieur brut (PIB). Mais face à l’étroitesse du marché, l’exportation se révèle vitale. Si des entreprises ont pu tirer leur épingle du jeu en exportant, voire même en s’implantant en Afrique, elles doivent prendre en compte des réalités culturelles, juridiques et économiques bien différentes. Port-Louis s’appuie sur des traités de protection des investissements, mais se pose aussi le problème de l’accompagnement des entreprises. Alors que les banques ont aujourd’hui les mains liées par de nouvelles et nombreuses règlementations, des fonds d’investissement peuvent intervenir, mais ils ne prennent que les dossiers d’une certaine importance. Outre ces contraintes,  la mise en place de la zone de libre-échange continentale africaine (Zlec) change les données. Elle vise à créer un marché unique continental pour les biens et les services. De quoi inquiéter les industriels mauriciens, confrontés notamment à de gros producteurs sud-africains, et envisager des mesures protectionnistes pour certains produits. Mais la réponse pourrait être aussi d’aller en Afrique en se regroupant et en combinant expertise et capacité financière. Dans de nombreux pays d’Afrique, le terrain reste vierge dans le secteur industriel. 
 

Industrie africaine

Forum 5 : Le grand boom du tourisme africain 
Selon l’Organisation mondiale du tourisme (OMT), en 2017, l’Afrique est le continent où le nombre de touristes a le plus augmenté, à + 8 %, pour atteindre les 62 millions. Mais le Maroc, l’Afrique du Sud, l’Égypte et la Tunisie se taillaient la part du lion en accueillant près de 57 % de ces 62 millions de visiteurs. Si l’on constate le développement d’un tourisme intra-africain, Maurice n’en profite pas beaucoup, à l’exception de l’Afrique du Sud comme marché émetteur. En cette même année 2017, Maurice a accueilli 112 129 visiteurs sud-africains, mais seulement 43 729 en provenance d’autre pays d’Afrique. Les professionnels expliquent cela par le manque de connexions aériennes et par la faiblesse des échanges économiques, un élément déterminant pour le tourisme d’affaires. On peut y ajouter l’absence de promotion touristique en dehors de l’Afrique du Sud. Dans ce contexte, on peut s’étonner des difficultés éprouvées par Ethiopian Airlines pour desservir Maurice. Il s’agit pourtant d’une importante compagnie panafricaine qui dessert 63 villes africaines. Le développement du tourisme africain offre des opportunités dans l’exportation de savoir-faire. C’est le cas pour Vatel, l’école de management hôtelier, qui développe des franchises sur le continent à partir de Maurice. Le groupe Lux, pour sa part, a choisi de se positionner dans la gestion hôtelière à l’international et l’Afrique pourrait faire partie de son terrain de jeu. Entre 2016 et 2019, ce sont plus de 56 000 nouvelles chambres d’hôtel qui ont vu le jour sur le continent. 
 
Forum 6 : Ne pas manquer le marché des énergies renouvelables 
L’arrêt brutal du projet Maurice île durable (MID) a pénalisé les entreprises qui  misaient sur ce nouveau relais de croissance. On peut même dire que Maurice a perdu la longueur d’avance qu’elle détenait par rapport aux autres pays africains. Toutefois, malgré la fin du projet MID, certains groupes mauriciens ont fait le pari de développer des clusters dédiés aux énergies renouvelables (EnR). C’est le cas de Leal Energie. Des acteurs internationaux, comme GreenYellow et Total Quadran, sont implantés à Maurice. Total Quadran, qui exploite des éoliennes, a remporté un appel d’offres aux Seychelles à partir de sa base mauricienne. Il s’agit d’un gros projet de centrale solaire. Mais force est de constater qu’en raison de l’étroitesse de son marché, Maurice n’attire que peu d’investisseurs dans les énergies renouvelables. Pour l’heure, seules les Development Finance Institution, telles que Proparco (groupe AFD) aident les États africains dans les énergies renouvelables. Il ne faudrait pas négliger ce secteur qui va connaître un véritable essor sur le continent. 
 

Accès à l'électricité

Forum 7 : Le « Knowledge Hub » mauricien doit se repenser 
Malgré le fort potentiel que représente le secteur de l’éducation et du savoir, vu le positionnement géographique de Maurice et le coût des études, les défis sont nombreux. Pour les étudiants africains, l’obtention du visa demeure compliquée. Il faut aussi prendre en compte le fait qu’un étudiant est limité en nombre d’heures de travail qu’il peut effectuer hebdomadairement. Pour être efficace dans cet accueil d’étudiants étrangers, Vatel a mis en place une équipe dédiée. Un autre défi de taille est celui de la connectivité aérienne qui impacte particulièrement les entreprises proposant des formations dédiées aux cadres et aux professionnels comme la MCCI Business School et l’Analysis Institute of Management qui offrent des programmes de formation continue pour développer le potentiel des entreprises régionales

Forum 8 : Comment prendre soin du marché de la santé 
Le diagnostic est sans appel : il y a beaucoup à faire dans la santé et Maurice a de belles cartes à jouer. Les disparités en infrastructures médicales et en ressources humaines dans notre région (sud-ouest de l’océan Indien et Afrique sud-orientale) sont grandes. Avec 3,7 lits d’hôpitaux pour 1 000 habitants, Maurice se situe loin devant la plupart des pays africains. Autre constat intéressant : la situation sanitaire s’améliore sur le continent, avec la réduction des décès liés à la pneumonie, au VIH et aux maladies diarrhéiques. Par contre, les maladies chroniques telles que les maladies cardiaques et le cancer font de plus en plus de victimes africaines. En la matière, Maurice peut accueillir des patients étrangers. Une implantation sur le continent est également envisageable. C-Care, du groupe Ciel, est présent en Ouganda, où il exploite un hôpital et 23 cliniques (centres primaires de soins), et au Nigéria avec un important laboratoire d’analyses médicales. Dans les soins esthétiques, Maurice fait référence, comme le montre la réussite du Centre esthétique de l’océan Indien fondé par le Français Gérard Guidi. Quatre-vingt pour cent de ses clients viennent de l’étranger. 
 

Fintech

Forum 9 : Comment devenir un vrai centre fintech africain 
Pour l’heure, Maurice ne figure même pas sur les listes des centres fintech mondiaux. Le continent américain domine largement le secteur mondial et, en Afrique, ce sont l’Afrique du Sud, le Kenya, le Ghana, le Rwanda, le Nigéria et le Sénégal qui mènent la danse, selon le Global Fintech Index. On sait que le faible taux de bancarisation en Afrique représente une opportunité pour la Fintech. Maurice entend bien se positionner et dispose d’un Mauritius Africa Fintech Hub (MAFH) créé par les acteurs du secteur. La Regulatory Sandbox License (qui permet aux entreprises de tester et proposer leurs produits innovants à Maurice) est la Ferrari de l’Afrique, selon Michal Szymanski, CEO du MAFH, qui se demande néanmoins si nous l’utilisons vraiment. Les acteurs de la Fintech veulent des régulateurs plus réactifs, à l’écoute des innovateurs.

Forum 10 : Un marché de l’assurance à conquérir 
Plusieurs compagnies d’assurance mauriciennes ont montré leur capacité à s’implémenter en Afrique où le secteur présente un fort potentiel de croissance. Si l’on exclut l’Afrique du Sud, qui fait figure d’exception,  le taux de pénétration (c’est-à-dire les primes en pourcentage de PIB) est de 0,75 % dans l’IARD (Incendie, accidents et risques divers) et de 0,32 % dans l’assurance-vie. À titre de comparaison, le taux de pénétration mondial (toutes assurances confondues) s’élève à 6,5 % et celui de Maurice à 5 %. Le groupe mauricien MUA poursuit sa stratégie d’expansion en Afrique de l’Est et a finalisé pour 12,32 millions de dollars l’acquisition de Saham Kenya en juillet 2020. Alors qu’à Maurice une vingtaine de compagnies d’assurance se disputent un marché de 1,3 million d’habitants, la croissance démographique africaine et l’augmentation régulière du PIB par habitant dans certains pays rendent le continent attractif. En Afrique, Maurice fait figure d’exception de par la maturité de son marché des assurances. Les relais de croissance se trouvent désormais sur le continent où la profitabilité est un enjeu essentiel en raison des taux de retour sur investissement très compétitifs. L’assureur Swan, gros acteur mauricien, a décidé d’aller en Afrique en s’associant avec des partenaires locaux car les coûts d’acquisition et les risques (notamment de fraudes) sont jugés élevés. Pour réussir sur le continent, au-delà des écueils habituels (fraudes, absence d’État de droit et méconnaissance des marchés), il faut penser ses produits et services en tenant compte des spécificités de chaque pays et éviter tout « copié-collé ». Une règle qui vaut pour tous les secteurs et qui justifie d’organiser un Forum des Afrique(s) plutôt qu’un Forum de l’Afrique. 
 

L'industrie des fonds de  pension

Forum 11 : De gros besoins en fonds de pension 
Plus de 80 % des actifs gérés par les fonds de retraite par capitalisation sur le continent se concentrent sur l’Afrique du Sud (300 milliards de dollars). Très loin derrière, en Afrique subsaharienne, on trouve le Nigéria (17 milliards), la Namibie (10 milliards) et le Botswana (7 milliards). Pour l’ensemble du continent africain, le total s’élève à 372 milliards de dollars, à comparer avec les 41 000 milliards gérés à l’échelle mondiale. Comme on peut le constater, la marge de progression est énorme. Et là encore, c’est l’émergence de la classe moyenne qui sera déterminante. Sans oublier pour autant que les disparités entre les pays se révèlent très importantes. L’âge moyen de la population africaine étant de 19 ans, on peut comprendre que la retraite ne soit pas une priorité. Contrairement à Maurice qui a achevé sa transition démographique et voit sa population vieillir. Ce qui pose problème pour les retraites par répartition puisqu’il y a de moins en moins d’actifs à cotiser. Sans aucun doute les retraites par capitalisation devront se développer. Des fonds de pension existent déjà et les entreprises et salariés peuvent y cotiser sur une base volontaire. Les gestionnaires privés ont pu développer une réelle expertise. Gérer des actifs, dans un environnement de plus en plus complexe, n’est pas une mince affaire. D’ailleurs, certaines entreprises parapubliques ne sont pas toujours à la hauteur. Maurice ayant une longueur d’avance sur la plupart des pays d’Afrique subsaharienne, on peut penser, qu’à l’instar des autres segments du marché de l’assurance, son expertise puisse s’exporter dans la gestion des fonds de pension. Dans l’intérêt du continent puisque les fonds de pension sont d’importants leviers de développement socio-économique.