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Réunion

Attaques en mer Rouge : La Réunion directement impactée

L’économie réunionnaise retient son souffle. Après avoir fortement souffert du dérèglement du trafic maritime mondial qui avait suivi la crise sanitaire et fait s’envoler les tarifs du fret, elle pourrait devenir une victime collatérale du conflit israélo-palestinien.

En fin de semaine dernière, les principales compagnies desservant La Réunion, qui sont aussi les géants mondiaux du secteur (MSC, Maersk, CMA-CGM) ont successivement annoncé que leurs bateaux n’emprunteraient plus la mer Rouge tant que les attaques aux drones perpétrés par les rebelles houthis du Yemen ne cesseraient pas. Les rebelles, soutenus et armés par l’Iran, affirment agir en solidarité avec le peuple palestinien et viser des navires liés à des intérêts israéliens, mais au fil des jours leurs attaques semblent de moins en moins sélectives.

Or l’essentiel du trafic conteneurisé touchant La Réunion en provenance d’Europe passe par le canal de Suez et la mer Rouge. Sur cet axe, la durée du transit-time et de 17 à 21 jours, selon leur point de départ (Fos ou Le Havre). Ce lundi 18 décembre, les compagnies ont fait savoir à leurs clients réunionnais, à commencer par l’Adir (Association pour le développement industriel de La Réunion, qui négocie chaque année des tarifs avec Maersk pour ses adhérents) qu’un contournement de l’Afrique par le Cap de Bonne-Espérance devenait indispensable. Conséquence : un transit-time rallongé de 10 à 12 jours… et des dates limites de consommation sans doute dépassées pour les produits qui avaient déjà pris la mer et dont les bateaux ont été déroutés et font actuellement demi-tour en Méditerranée.

« Nous estimons à 15 à 20 jours le délai d’approvisionnement supplémentaire à cause du passage par le Cap de Bonne-Espérance, en incluant les temps de traitement des marchandises dans les ports, indique Philippe-Alexandre Rebboah, président du Syndicat de l’importation et du commerce de La Réunion (SICR). Si le contournement de l’Afrique reste l’option choisie par les compagnies à moyen terme, nos importateurs devront prendre en compte de nouveaux délais d’approvisionnement et de réassort, ce qui nécessitera de faire grossir les stocks. » Alors que les importateurs réunionnais de matières premières ou de produits finis commençaient à souffler après l’éclatement de la « bulle » du fret maritime, les attaques des rebelles yéménites pourraient amplifier les tensions inflationnistes sur l’île. Seul espoir : que les marines occidentales et l’Égypte, qui a tout à perdre de l’abandon du canal de Suez par les compagnies, parviennent à sécuriser rapidement la mer Rouge et le détroit de Bab-el-Mandeb.

  • Bernard Grollier

    Diplômé en sciences politiques et en journalisme, en activité à La Réunion depuis 1987. Journaliste indépendant et polyvalent, auteur des textes de livres consacrés à La Réunion et aux îles de l’océan Indien. Bon connaisseur du tissu économique réunionnais, centres d’intérêt variés.

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