CINÉMA : Maurice veut être une terre de tournages
Avec le soutien de l’État, Maurice a l’ambition de développer les tournages sur son sol. Même si la concurrence mondiale fait rage avec plusieurs pays bien placés sur ce marché, dont La Réunion voisine, l’île dispose de certains atouts indéniables.
Faire de Maurice une terre de tournages. C’est l’objectif que se sont fixés les professionnels de la petite industrie du cinéma mauricien. Avec environ un millier de professionnels et de prestataires locaux et étrangers vivant partiellement ou exclusivement de la production de films, le vivier est déjà riche en compétences et important en nombre. C’est ce qu’ont pu découvrir quatre producteurs américains et quatre repéreurs européens venus en repérage fin juillet. Leur visite a été coordonnée par Locations Africa, une société sud-africaine spécialisée dans les repérages en Afrique, en collaboration avec Light and Light et Films Studios Mauritius, prestataires basés à Maurice.
L’île n’est pas seulement une destination pour les lunes de miel. Hormis ses hôtels de luxe et ses plages de rêve, Maurice a beaucoup à offrir à l’industrie cinématographique, toujours en quête de nouveautés et d’opportunités.
« Tout ce qu’il faut »
Les producteurs et repéreurs ont fait le déplacement parallèlement à leur participation à la 45e édition du Durban International Film Festival (DIFF), qui s’est tenu du 20 au 30 juillet 2023. Plus ancien festival de cinéma d’Afrique du sud, et l’un des plus importants du continent, l’événement a vu la participation de 90 films, dont c’était pour la plupart d’entre eux une « première ». Les producteurs ont profité de leur présence en Afrique australe pour faire un saut à Maurice et ils ne l’ont pas regretté.
« Nous sommes plus que ra-vis d’avoir découvert Maurice et son potentiel », assure Azania Muendane, coordonnatrice de la visite et représentante de Locations Africa. L’objectif était de présenter à ces producteurs et repéreurs ce que Maurice peut offrir en termes de paysages et de sites de tournage, mais aussi en matière d’équipements et d’équipes disponibles. Ainsi, pour Zia Eckburally, directeur des opérations chez Light and Light, il y a, à Maurice, tout ce qu’il faut pour satisfaire une équipe de tournage internationale, notamment en ce qui concerne le matériel lourd comme les grues et l’éclairage. Sa société a d’ailleurs elle-même investi 50 millions de roupies (1,06 million d’euros) pour acquérir du matériel de précision, adapté aux tournages en extérieur. « Ce que nous avons ici n’a rien à envier à ce qui peut être disponible à Los Angeles ou à Berlin », assure un autre professionnel du cinéma.
Bilinguisme (français et anglais), beauté des paysages, mais surtout compétences des équipes et disponibilité du matériel… Tous les ingrédients sont réunis pour faire en sorte que les professionnels mauriciens se remettent en selle et que la petite industrie naissante du cinéma redémarre sur de bonnes bases, après plu-sieurs années de vaches maigres provoquées par la crise covid.
« Le challenge c’est qu’il puisse y avoir beaucoup de petits projets plutôt qu’un ou deux gros, de façon à garder tout le monde au travail sur une longue période », insiste de son côté Vincent de Robillard, un jeune régisseur mauricien qui a déjà plusieurs années d’expérience et quelques productions internationales dans son escarcelle.
Des incitations importantes
« Nous aimerions faire de ce type de visite une initiative annuelle », assure de son côté Azania Muendane. Les visiteurs ont été tellement conquis que, déjà, un premier projet se met en place. Terk Stevens, l’un des producteurs américains qui ont fait le déplacement, a lancé un projet en collaboration avec des partenaires locaux.
Mais ce qui séduit encore plus les producteurs, ce sont bien évidemment les incitations financières. Le Film Rebate Scheme, introduit en 2013, a été un pas en avant pour la création d’une industrie cinématographique, en proposant aux producteurs 30 % de rabais sur les dépenses encourues pour un tournage sur le territoire. Cette année, l’État a non seulement maintenu ses subventions aux producteurs de film, mais a augmenté le niveau du rabais à 40 %, essentiellement dans le but de rester concurrentiel sur un marché mondial des tournages de plus en plus compétitif. Parmi les pays en pointe à l’échelle mondiale, citons la Chine, Malte, Dubaï, l’Australie, la Grèce, la Malaisie, la Nouvelle-Zélande, la Pologne, l’Afrique du Sud ou encore (pour les productions européennes surtout) La Réunion voisine, entre autres.
Depuis 2018, un total de 3,2 milliards de roupies (68 millions d’euros) a été dépensé par les producteurs de films à Maurice, sous le Film Rebate Scheme. Du 1er janvier 2016 à ce jour, 107 films ont été approuvés et achevés et plus d’un milliard de roupies (22 millions d’euros) ont été versées par l’État.
Pourtant, selon Xavier-Luc Duval, leader de l’opposition parlementaire et ancien ministre des Finances, ce sont plus d’un milliard de roupies qui ont été « gaspillées ». Et il est bien placé pour émettre une opinion puisque c’est sous son impulsion que le programme fut lancé en 2013. Selon lui, le fait que la plupart de ces films aient été des « flops retentissants » (à en croire les critiques) n’augure rien de bon pour faire connaître Maurice sur le plan international, pour le tournage de films, voire pour le tourisme…
Le « Film Rebate Scheme » : Un rabais de 40 % est appliqué aux projets cinématographiques accrédités par l’Economic Development Board (EDB). Un comité examine les projets en évaluant leurs bénéfices économiques, la visibilité qu’ils apportent, avant approbation. Le comité est coordonné par l’EDB et comprend des représentants du Bureau du Premier ministre, des ministères des Finances et de la Culture, de la Mauritius Film Development Corporation et de la Mauritius Tourism Promotion Authority (MTPA).
Le minimum des dépenses doit se situer à 1 million de dollars pour un long métrage et à un minimum de 150 000 dollars par épisode pour une série. Les autres genres cinématographiques qui bénéficient du rabais sont les documentaires, les films d’animation, les séries télévisées, les films publicitaires, les clips musicaux et les projets de doublage, avec des dépenses minimales obligatoires, telles qu’elles sont indiquées par l’EDB sur son site web. Le Film Rebate Scheme est accessible aux producteurs locaux et étrangers qui sont dans le métier depuis au moins cinq ans. Les demandes de remboursement doivent être soumises à l’EDB dans les 60 jours qui suivent le tournage.