Eco Austral – Actualités économiques et entreprises de l'Océan Indien

Réunion

Denis Cozian : La fibre Leroy Merlin à 100 %

Au sein de la famille Ravate, le développement de l’enseigne Leroy Merlin, c’est l’affaire de Noor Ravate. Mais dans l’opérationnel, on trouve Denis Cozian, actuellement « leader » du magasin de Saint-Louis. Un manager atypique comme Leroy Merlin où il baigne depuis 25 ans.

En 2009, Didier Cozian prend la direction du premier magasin Leroy Merlin de La Réunion qui vient de voir le jour à Sainte-Marie. Une initiative du groupe Ravate qui a pu obtenir la franchise de cette enseigne de bricolage. Une enseigne qui appartient au groupe familial Mulliez dont le fondateur Gérard Mulliez, devenu milliardaire, s’apprête à fêter ses 93 ans. Un grand entrepreneur qui a marqué l’économie française. Le groupe, présent quasiment dans le monde entier, porte une multitude d’enseignes dont, parmi les plus connues, Auchan et Decathlon. Des enseignes qui sont autant d’entreprises avec leurs propres cultures. Celle de Leroy Merlin est particulièrement forte, avec des modes de recrutement et de management atypiques. Denis Cozian est visiblement tombé sous le charme puisque ça fait 25 ans qu’il baigne dans cette culture. Mais comme il est tombé aussi sous le charme d’une épouse réunionnaise, il a profité de l’opportunité du développement de l’enseigne à La Réunion. Une île qu’il connaît depuis l’âge de 19 ans (il a aujourd’hui 53 ans). D’abord à Sainte-Marie, il se voit ensuite confier la direction du magasin de Saint-Louis qui ouvre ses portes en 2014.

Management et fonctionnement participatifs

En 2020, un troisième magasin est implanté au Port. Denis Cozian demeure à Saint-Louis, mais, en lien avec Noor Ravate, responsable de l’enseigne, il se charge de certains projets ne concernant pas forcément Leroy Merlin. C’est ainsi que nous l’avons rencontré à Maurice, alors qu’il était en mission. Mais sur l’objet de cette mission, il ne dira rien. En revanche, il se montre plus disert sur la culture Leroy Merlin. « Chez Leroy Merlin, le mode de management et de fonctionnement est très participatif. La stratégie s’élabore avec l’ensemble des collaborateurs dans le monde entier, explique-t-il. Rien qu’en France, l’entreprise emploie 15 000 personnes. Tous les dix ans, il y a un process qui dure plus d’un an. Cela comprend des ateliers de travail où l’on demande aux collaborateurs d’imaginer ce que sera leur entreprise dans les dix prochaines années. Il s’agit de faire ressortir les idées du cœur de l’entreprise pour nourrir les dirigeants. » Cela explique sans doute que l’entreprise a toujours été en pointe dans la responsabilité sociétale des entreprises (RSE), bien avant qu’on n’en parle.

Pour en revenir au management et au fonctionnement, le participatif s’exprime au quotidien. D’ailleurs, on ne parle pas de directeurs chez Leroy Merlin, mais de leaders : leader des ressources humaines, leader performance, leader de magasin, etc. Ce n’est pas qu’une question de terminologie, selon Denis Cozian, car cela permet de construire de véritables équipes dans lesquelles chacun a sa place. En évitant toute structure pyramidale.

Les exercices de recrutement son également participatifs. Le premier entretien d’embauche se fait sous la conduite d’un manager et d’un autre salarié, membre du « club des recruteurs » auquel appartiennent une dizaine de collaborateurs ; « mais ça tourne parmi nos 150 salariés de Saint-Louis », précise le leader du magasin. Le deuxième entretien est conduit par un manager et le troisième est celui de la validation (ou non) par le leader du magasin. On notera au passage que la DRH n’intervient pas dans le recrutement. Une singularité de Leroy Merlin parmi d’autres.

Les « Presque parfaits », c’est un espace réservé aux produits neufs légèrement altérés et à ceux qui ont été réparés ou reconditionnés. ©Droits réservés

Une approche « client centrique »

Denis Cozian, d’origine bretonne, s’est formé tout d’abord en école de commerce, avec une option finance, puis il a obtenu un master en logistique de distribution. Plus récemment, il a enrichi son cursus avec un MBA de Paris Dauphine. Pour autant, il demeure très attaché au mode participatif déployé par Leroy Merlin dont l’une des priorités, avec l’autonomie, est la sécurité de ses collaborateurs. Le leader du magasin de Saint-Louis a eu la satisfaction, le 6 décembre 2023, de fêter une année sans aucun accident du travail. « Occupe-toi bien de tes collaborateurs et ils s’occuperont bien de tes clients », aime-t-il à répéter, soulignant au passage l’importance de la promotion interne. « J’en suis moi-même un exemple ; 100 % des postes sont pourvus en interne. »

L’autre trait de caractère marquant chez Leroy Merlin, c’est son approche « client centrique », qu’on retrouve aussi chez Decathlon. « Nous voulons des produits qui durent et, dans la mesure possible, qui n’ont pas trop voyagé. Et s’ils ont été fabriqués à l’étranger, nous voulons savoir dans quelles conditions. » La « réparabilité » est aussi un maître mot, surtout à La Réunion, marché éloigné de ses sources d’approvisionnement. « Nous avons décidé, sur le sujet, d’avoir une politique extrêmement volontariste », souligne Denis Cozian. D’où la mise en place d’un « Home Index » (un peu l’équivalent du Nutri-Score dans l’alimentaire) qui a commencé il y a plus d’un an avec déjà plus de 40 % des articles référencés. « On sera à 100 % à la fin de l’année 2024. » Pour comprendre l’ampleur de la tâche, il faut savoir qu’un magasins Leroy Merlin à La Réunion, c’est 50 000 références.

« On répare 70 % des produits rapportés, qu’ils soient sous garantie ou pas, et cela occupe six personnes avec un SAV qui est actif sept jours sur sept, explique Denis Cozian. Le problème, c’est d’avoir les pièces. Il arrive que le fabricant ne les fournisse plus. Comme solution, on étudie un projet d’imprimante 3D. »

La priorité est de donner une seconde vie aux produits pour éviter au maximum leur sortie d’usage. « Saint-Louis est le premier magasin Leroy Merlin de France à faire du reconditionné et de l’occasion » (voir notre hors-texte à ce sujet). Un magasin qui se distingue aussi par une certification ISO 50001 (Management de l’énergie) en cours. « Pour la deuxième année consécutive, notre bâtiment, équipé de panneaux photovoltaïque, produit plus d’électricité qu’il n’en consomme. J’ai voulu inscrire notre magasin dans la durée. »

À noter enfin une politique de location en faveur des clients qui ont des besoins ponctuels. « À quoi bon investir 400 euros dans un nettoyeur haute pression pour ne l’utiliser qu’une fois par an ou une fois tous les deux ans », souligne Denis Cozian.

Soixante mètres carrés pour les « presque parfaits » : Dans le souci d’éviter le gaspillage, un espace dédié aux « presque parfaits » a vu le jour au magasin de Saint-Louis. On y trouve les produits légèrement altérés, mais aussi ceux qui ont été réparés ou reconditionnés. « C’est une proposition des collaborateurs », explique le leader du magasin. Celui de Saint-Louis est d’ailleurs le premier Leroy Merlin à le faire en France. « Et nous proposons même une garantie d’un an sur les produits. »

Responsabilité sociétale : Outre ses actions en faveur de la sécurité et de l’autonomie de ses collaborateurs ainsi que dans le SAV pour éviter les gaspillages de ses clients, Leroy Merlin Saint-Louis, comme les deux autres magasins de l’enseigne, s’implique dans des actions en direction de l’ensemble de la population. Dans la santé notamment en étant partenaire d’Odyssea qui organise des courses pour collecter de l’argent contre le cancer du sein. Des actions de sensibilisation et des dépistages sont également organisés pour les salariés et les clients des magasins. Enfin, chaque magasin s’investit dans un ou deux chantiers solidaires chaque année en fournissant des matériaux et en faisant intervenir certains de ses collaborateurs sur une base de volontariat. Cela peut consister, par exemple, à réhabiliter une habitation pour des ménages ayant peu de ressources. Si l’on ajoute le soutien au club de football de Saint-Louis et à l’association Emmaüs, on peut dire qu’on est loin du « greenwashing ».

Add Comment