Détournement de fonds publics : coup de filet anticorruption à la compagnie nationale d’eau et d’électricité
Détournement de fonds publics, primes de performance injustifiées, acquisition de 4×4 sans l’aval du conseil d’administration… Les charges s’accumulent aujourd’hui contre trois responsables de la Jirama (Jiro sy rano malagasy), un médecin chef, un directeur financier et un directeur des ressources humaines. Elles sont révélatrices des pratiques occultes qui ternissent depuis des années l’image de la compagnie nationale d’eau et d’électricité et lui ont déjà valu quantité de critiques de la part des plus hautes instances de l’État, voire des coupes sèches au sein de sa direction générale en 2019 et 2021.
Cette fois, le Pôle anti-corruption (PAC) d’Antananarivo a voulu frapper un gros coup en procédant, le 28 novembre dernier, à l’audition de 34 cadres et chefs de service qui auraient profité de ces « largesses », pour finalement s’intéresser à trois sous-directeurs qui ont été placés dès le lendemain en détention préventive, les autres demeurant libres mais sous contrôle judiciaire.
Le préjudice est estimé à plusieurs milliards d’ariary (plusieurs centaines de milliers d’euros) pour les faits reprochés, mais pourrait déboucher sur un système de détournements de fonds publics beaucoup plus large, impliquant de hauts responsables – anciens ou actuels – de la compagnie nationale. Trois d’entre eux font d’ailleurs l’objet d’un mandat d’arrêt pour ne pas s’être rendus à la convocation de la PAC du 28 novembre. Il s’agit nommément de l’actuel directeur général par intérim de la Jirama, Rivo Radanielina, déclaré officiellement « malade » pour expliquer son absence, de son prédécesseur et ex-ministre de l’Énergie, Vonjy Andriamanga, et de l’ex-directrice de cabinet, Onja Rasaminanana.
“Grand nettoyage”
En attendant que la situation de l’actuel directeur général soit clarifiée, c’est le conseil d’administration de la Jirama qui prend en main la direction exécutive, a d’ores et déjà annoncé le ministère de tutelle. Une première opération d’« évaluation des compétences » des cadres de la Jirama aurait déjà été menée avec une mise à pied de 14 directeurs et responsables. Au niveau de la société civile, le Collectif des citoyens et organisations citoyennes (CCOC) s’est félicité de ce « grand nettoyage », en se demandant toutefois si l’enquête judiciaire ne devrait pas se poursuivre dans toutes les succursales de la compagnie, voire plus haut dans l’organigramme, au niveau du ministère de l’Énergie et des Hydrocarbures.
Pour les observateurs, ce coup de filet de l’anticorruption est évidemment à relier aux recommandations de la Banque mondiale qui avait subordonné, en 2021, un prêt de 105 millions de dollars en vue d’améliorer les performances de la Jirama en matière de gouvernance et d’approvisionnement (projet Pagose) à la restructuration effective de l’entreprise publique.