GUILLAUME HAZET (L’ATELIER ARCHITECTES) : « Quand on veut faire simple, les normes l’empêchent »
Les exigences réglementaires en matière de durabilité des bâtiments doivent être assouplies, estime l’architecte Guillaume Hazet. Leurs excès vont à l’encontre d’une construction vertueuse.
L’Éco austral : Comment votre profession vit-elle les exigences environnementales croissantes de la réglementation de la construction ?
Guillaume Hazet : Les cahiers des charges sont devenus très lourds sur la qualité environnementale, à grand renfort d’ingénierie et d’assistants à maîtrise d’ouvrage qui orientent et corrigent notre travail, qui nous demandent de faire des simulations de vitesse de vent, de température, pour répondre à une demande qui n’est pas la bonne.
À un moment donné, il faut faire un arbitrage entre économie et durabilité et mettre l’argent là où il est nécessaire. Quand la structure d’un bâtiment représente la moitié de son coût et que l’on demande de renforcer encore la structure, comme il en fut question récemment pour rehausser la résistance aux vents cycloniques, on va à l’encontre d’une construction vertueuse. Prenons l’exemple de Mayotte, où tous les besoins sont urgents, mais où les donneurs d’ordre ont des exigences très élevées. Pour construire un bâtiment sportif, on pourrait aller au plus simple, en créant une structure qui protège simplement de la pluie et du soleil. Or on nous demande de concevoir des salles fermées. Pour éviter qu’elles ne deviennent des étuves, il nous faut trouver des solutions qui doivent répondre à d’innombrables critères et coûtent une fortune.
Dans le secteur du logement, la RTaa DOM n’a-t-elle pas permis d’amorcer un virage vertueux ?
La RTaa DOM a apporté un vrai progrès dans la façon de construire et influence la conception des bâtiments dans d’autres domaines que le logement. Imposer des bâtiments traversants, c’est revenir à une règle de bon sens qui avait été un peu oubliée. Mais le bon sens demande davantage de souplesse. Dans la RTaa DOM, un logement change par exemple de catégorie quand il est construit à plus de 600 mètres d’altitude. Juste en dessous, il fait pourtant frisquet l’hiver, mais on doit concevoir le logement pour lutter contre la chaleur, comme au Port ou à L’Étang-Salé. De même, dans les Bas, il nous faut respecter partout un pourcentage élevé d’ouvertures des façades, y compris dans les zones où les alizés soufflent à plus de 50 km/heure 250 jours par an : dans ce cas, le vent crée un vrai problème d’inconfort. Ces subtilités, la RTaa DOM ne sait pas les prendre en compte.
Le décret tertiaire va-t-il amorcer une même tendance vertueuse dans la conception des bureaux ?
Le sujet est complexe. Réduire la consommation des bâtiments tertiaires, sous un climat tropical, implique de moins recourir à la climatisation. Mais mettre en œuvre la ventilation naturelle exige l’acceptation de chacun et un écosystème participatif. Quelqu’un qui travaille depuis trente ans dans un bureau climatisé n’a pas envie de changer d’environnement. S’il est très difficile de passer du « 100 % clim » à un fonctionnement plus économe et vertueux, on arrive néanmoins à faire bouger les lignes à force de pédagogie, en convaincant, pas en imposant.
La ventilation naturelle, donc l’ouverture sur l’extérieur, doit aussi tenir compte de l’acoustique. Ouvrir les fenêtres d’un bureau dans un environnement calme ne pose pas de problème. Si votre bureau donne sur un boulevard, c’est autre chose. On pourrait arriver à une confrontation absurde des normes, qui imposeraient à la fois la ventilation naturelle pour réduire la consommation d’énergie et un double vitrage pour protéger les occupants du bruit !
Le système des normes arrive-t-il à ses limites ?
Oui. Au moment de la conception et des simulations à l’aide du diagramme de Givoni, par exemple, on ne sait pas en réalité si le bâtiment entre ou pas dans les normes du confort thermique. On n’a pas le droit de faire croire que l’on va atteindre une température ressentie idéale. Un architecte n’a pas la capacité de changer la température de l’air, seulement de réduire l’inconfort d’une construction. Nous vivons hélas une époque où règne la bien-pensance, les discours sont de plus en plus formatés et des solutions préconçues sont imposées. Quand on veut faire simple, l’environnement normatif l’empêche. Il est très difficile d’aller vers le low tech.