Eco Austral – Actualités économiques et entreprises de l'Océan Indien

HF Roland
Réunion

HENRI-FRANÇOIS ROLAND, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE BNP PARIBAS : « Nous sommes au début de l’histoire de la finance durable »

Taux d’emprunts plus favorables aux investissements non polluants, produits de placement éthiques : le monde de la finance est également engagé dans la transition durable. Henri-François Roland, directeur général de BNP Paribas à La Réunion, en témoigne.

BNP Paribas fait partie des cinq banques qui ont signé en 2018 l’engagement de Katowice, lors de la Cop24 : elles s’engagent à aligner progressivement leurs activités avec les objectifs de l’Accord de Paris sur le réchauffement climatique. Dans quelle mesure le monde de la finance peut-il jouer un rôle moteur pour atteindre les objectifs du développement durable ? « Nous finançons l’économie, nous voulons en même temps réduire notre impact, répond Henri-François Roland, directeur général de BNP Paribas à La Réunion. Il est évident qu’on ne peut pas le faire du jour au lendemain. L’enjeu est d’évoluer vers la décarbonation tout en préservant la paix sociale. Nous sommes au début de l’histoire. » Les banques engagées dans ce mouvement cherchent à orienter les flux financiers vers les technologies et les entreprises contribuant à la décarbonation. Elles peuvent pour cela actionner le levier des taux, par exemple pour financer l’achat de véhicules électriques. « Les taux vont varier en fonction des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), poursuit Henri-François Roland. Nous allons mesurer l’impact des opérations que nous finançons pour faire évoluer notre portefeuille dans le sens du développement durable. » Outre les activités d’exploitation des énergies fossiles, celles de la pêche, quand elles détruisent les ressources, ou de l’agriculture polluante pourraient être concernées par ces financements sélectifs.

Pour l’heure, seules les grandes entreprises sont concernées, mais les sous-traitants de ces dernières devront rapidement intégrer ces critères et présenter leur « passeport ESG ».

« À La Réunion, nous en sommes encore aux prémices de cette évolution, mais je pense qu’elle va arriver assez vite », estime le directeur régional de BNP Paribas.

Une tendance se dessine déjà : une demande grandissante de la clientèle pour des produits de placements éthiques, qui répondent aux critères de la RSE, ne financent ni l’armement ni le pétrole… « Ces produits offrent un rendement moins important, mais un risque également plus réduit, commente Henri- François Roland. Notre salle de marché réalise de plus en plus souvent des placements qui intègrent des critères ESG. »

L’engagement de BNP Paribas, qui a réalisé son bilan carbone, a également des conséquences concrètes sur son fonctionnement. Son parc de véhicules de service s’électrifie progressivement et les émissions de gaz à effet de serre générées par les déplacements de ses collaborateurs sont mesurées. Les voyages en avion de ses managers entre La Réunion et Paris sont désormais comptés !

Stéphane Schlögel, directeur océan Indien d’Inter Invest. Photo : Guillaume Foulon

« Les dossiers décortiqués sous l’angle environnemental » : Directeur océan Indien d’Inter Invest (conseil en financement d’investissement), Stéphane Schlögel souligne la nécessité d’attirer l’attention des porteurs de projets sur l’importance grandissante des critères de durabilité dans l’attribution des financements. « Certains établissements font déjà le choix de ne plus financer les investissements dans les énergies fossiles, note-t-il. L’Agence française de développement a, par exemple, un comité Énergies renouvelables aussi puissant que son comité financier. Quand on présente une demande d’agrément pour obtenir un avantage fiscal, le dossier est décortiqué sous l’angle environnemental par Bercy. Le secteur public est plus avancé dans cette logique que le secteur privé, où la pression n’est pas extrêmement forte. Mais il est certain qu’avec le temps, de plus en plus de contraintes pèseront sur les activités polluantes. Cela dit, des enjeux supérieurs peuvent s’opposer à cette tendance. On le voit avec la guerre en Ukraine, qui oblige à revenir aux énergies fossiles. »

  • Bernard Grollier

    Diplômé en sciences politiques et en journalisme, en activité à La Réunion depuis 1987. Journaliste indépendant et polyvalent, auteur des textes de livres consacrés à La Réunion et aux îles de l’océan Indien. Bon connaisseur du tissu économique réunionnais, centres d’intérêt variés.

    Voir toutes les publications Journaliste