Madagascar : la campagne d’exportation de la vanille commence sur fond de bras de fer entre l’État et les exportateurs
Plus de contrôles, plus de sanctions. C’est ce qu’annoncent les autorités malgaches alors que vient de s’ouvrir, le 15 novembre, la campagne d’exportation de la vanille pour la saison 2022-2023.
La vanille, une filière particulièrement rentable pour Madagascar, le leader mondial, représentant à elle seule le quart des recettes d’exportation du pays, en deuxième position après le nickel. Et une filière que l’État entend aujourd’hui reprendre en main, quitte à affronter le puissant Syndicat des exportateurs de vanille de Madagascar (Sevam) et le non moins puissant Groupement des exportateurs de vanille de Madagascar (GEVM).
C’est pour cela qu’entre officiellement en scène, en juillet 2022, un nouvel acteur institutionnel : le Conseil national de la vanille (CNV) où pas moins de douze corps d’État (ils n’étaient que deux auparavant) siègent aux côtés des planteurs, des collecteurs, préparateurs, commerçants et exportateurs, dans un esprit très net de resserrement de la règlementation. Révélateur de cet état d’esprit, la publication cette année d’un manuel de procédures que les exportateurs de vanille sont appelés à respecter à la lettre, faute de quoi ils peuvent se voir retirer l’agrément d’exportation du ministère de l’Industrialisation, du Commerce et de la Consommation.
Ce dernier a d’ailleurs eu la main lourde cette année, n’ayant renouvelé l’agrément que pour 70 exportateurs – 22 de moins que l’année précédente – alors que 165 nouvelles demandes d’agréments ont tout simplement été ignorées. « Les nouvelles demandes, on ne les traite pas », a reconnu Edgard Razafindravahy, le ministre de l’Industrialisation, du Commerce et de la Consommation, expliquant que « l’objectif du ministère et du Conseil national de la vanille, c’est déjà que toutes les réformes soient en marche. »
En finir avec le marché parallèle
Une des conditions d’obtention ou de renouvellement de l’agrément est l’engagement à respecter le prix plancher de la gousse, qui a été fixé par le Conseil national de la vanille à 250 dollars le kilo à l’export, toutes qualités confondues (vanille verte ou préparée). Les opérateurs jugent ce tarif trop élevé, arguant que la gousse se vend sur le marché mondial entre 100 et 250 dollars le kilo. Cela alimente, de fait, un marché parallèle de la vanille malgache, représentant le tiers du marché officiel, que les pouvoirs publics entendent précisément démanteler. « L’État n’hésitera pas à retirer l’agrément en cas de fraude avérée », a encore prévenu Edgard Razafindravahy au cours d’un déplacement à Antalaha, le 11 novembre dernier, en vue de préparer le lancement de la campagne avec les membres du Conseil national de la vanille et les exportateurs.
Autre bras de fer engagé par l’administration : l’obligation faite aux exportateurs de rapatrier leurs recettes d’exportation et de justifier désormais d’un compte bancaire à Madagascar. Les opérateurs sont en effet pointés comme principaux responsables du trou de 1 400 milliards d’ariary (320 millions d’euros) enregistré dans le rapatriement des devises. Selon le ministère, les 22 exportateurs en moins de cette année n’auraient pas reçu l’agrément pour cette raison. La campagne d’exportation durera jusqu’au 31 mai 2023, mais dans un contexte rendu incertain par le conflit russo-ukrainien et ses conséquence sur l’économie mondiale. Le pays avait atteint en 2021-2022 son plus haut niveau d’exportation depuis dix ans, soit 3 200 tonnes vendues pour une valeur totale de 600 millions de dollars.