La Jirama sur la difficile voie du redressement
Alors que son déficit avait atteint fin 2021 les 360 milliards d’ariary (80 millions d’euros) et qu’on estimait sa dette à 1 947 milliards (430 millions d’euros), l’entreprise publique de distribution d’eau et d’électricité s’est engagée sur la voie du redressement. Mission impossible ? De longue haleine en tout cas !
Les autorités malgaches, en accord avec le FMI, ont prévu dans la Loi de finances un budget de 300 milliards d’ariary (66,6 millions d’euros) en faveur de la Jirama. Le gouvernement s’est aussi engagé à payer ses factures d’eau et d’électricité auditées en 2022, estimées à 30 milliards d’ariary (6,6 millions d’euros). Mais au début du mois de mai, la ministre de l’Économie et des Finances, Rindra Rabarinirinarison, estimait que le soutien annuel à la Jirama s’élevait en moyenne à 1 000 milliards d’ariary (222 millions d’euros). Cette somme équivaudrait aux investissements internes de trente ministères.
L’État a donc décidé de ne plus subventionner la Jirama, mais de lui prêter de l’argent qu’elle devra rembourser. Ses biens non stratégiques et hors production serviront de garantie de paiement.
Le second trimestre de l’année 2023 a été surtout marqué par le retour en force du « délestage tournant » de l’électricité. En avril, l’opérateur public a lancé un appel d’offres international pour la fourniture de fioul lourd destiné à ses centrales thermiques, le but étant de ne pas dépendre de ses fournisseurs locaux habituels.
Les « managers de l’impossible »
Dirigée pour le moment par deux directeurs généraux par intérim, la Jirama a lancé le processus de recrutement de son directeur général. Un « manager de redressement », certains disent « manager de l’impossible », dont la mission sera, non seulement de retrouver une bonne santé financière, mais d’atteindre l’objectif du Plan émergence Madagascar qui vise à améliorer l’accès à l’électricité de la population.
Outre ce « manager de redressement », la Jirama recherche un directeur administratif comptable et financier, de « redressement » lui aussi.
Autre piste dans sa politique d’assainissement, l’opérateur a publié un avis de concours de projets pour le recouvrement des créances auprès de ses abonnés « grands comptes » et particuliers. Un service spécialement dédié à ces opérations de recouvrement sera mis en place. La Jirama entend également lancer un appel à manifestation d’intérêt afin de trouver un prestataire en mesure de mettre en place un système digitalisé pour contrôler la production, le transport et la distribution de l’électricité. L’objectif est de réduire les pertes techniques, évaluées à 150 milliards d’ariary (33 millions d’euros) annuellement.
Court, moyen et long terme
Des solutions à court terme doivent d’être prises pour répondre au besoin croissant et urgent en énergie du pays. Dans le cas du réseau interconnecté d’Antananarivo, par exemple, une centrale thermique de 105 MW tournant avec du fioul devrait être mise en place à Ambohimanambola, suite à l’arrêt de la production d’un prestataire dont le contrat n’est pas reconduit. Ce projet thermique coûterait 29 millions de dollars, un investissement pris en charge par le ministère de l’Énergie, selon le ministre Solo Andriamanampisoa.
Les projets solaires devraient prendre plus de temps que prévu à se mettre en place. Le ministre de l’Énergie avait annoncé initialement l’opérationnalisation de 36 parcs solaires totalisant 50 mégawatts avant la fin du mois d’août de cette année. Il s’agit d’un projet qui vise à améliorer la capacité de production de la Jirama, notamment dans les zones enclavées, et qui devra permettre de fournir en 24/7 de l’électricité à la population dans les zones où ces parcs seront installés. La mise en place de ces centrales solaires couplée avec la dotation de kits solaires à un million de foyers devrait porter ses fruits, selon les autorités.
Il faudra encore attendre jusqu’à cinq ans pour voir les deux grands projets hydroélectriques que sont Sahofika et Volobe en place et produire de l’électricité. Le projet Sahofika reste toujours en suspens, alors que son contrat de concession avait déjà été officialisé en novembre 2021. La signature de ces contrats devait servir de base à la finalisation du bouclage financier, mais le temps d’attente a généré une hausse dans l’évaluation du coût de construction, notamment avec la hausse des prix à l’international. Le groupe Eiffage, qui était initialement prévu comme constructeur, s’est vu éjecté en raison de ce surcoût. Il faudra donc gérer la sortie de cette entreprise du capital de la société Nouvelle énergie hydroélectrique de l’Onive (Neho), mais également trouver un autre constructeur. Ce qui pourrait faire perdre un an, selon le ministre Solo Andriamanampisoa.