Le Medef s’implique dans la nouvelle révolution industrielle
En matière de responsabilité sociétale des entreprises (RSE), le Medef Réunion parle désormais d’une « révolution » du même type que la révolution industrielle du XIXe siècle. Et son concours « Medef Business Awards » est devenu un événement à part entière avec un conférencier, David Djaïz, invité le 5 septembre pour parler de cette « révolution obligée ».
La soirée de remise des prix des Medef Business Awards, axés sur la RSE, se déroulait jusqu’alors dans le cadre de l’assemblée générale de l’organisation patronale. Mais la dernière édition, organisée le 5 septembre 2024 au siège de la Caisse régionale du Crédit Agricole, a été complètement détachée de l’assemblée générale et accueilli un conférencier, David Djaïz, s’exprimant sur le sujet de la transition énergétique. À noter également que le cluster Green, géré par le Syndicat de l’importation et du commerce de La Réunion (SICR), plus vieille organisation patronale et membre du Medef, a été associé comme partenaire. Les critères du concours, pris en compte par un jury de six membres, présidé par Philippe-Alexandre Rebboah, président du Cluster Green et du SICR, s’inspiraient d’ailleurs du label Efficience de ce même Cluster Green en lien avec la norme ISO 26000. Sans oublier les 17 Objectifs de développement durable (ODD) fixés par l’ONU pour l’année 2030 dont on sait déjà qu’ils seront loin d’être atteints à cette échéance. Rappelons que la norme ISO 26000, qui a vu le jour en 2010, est considérée comme une référence en RSE même si cinq pays ne l’ont pas ratifiée (États-Unis, Inde, Turquie, Cuba et Luxembourg).
Avant d’écouter David Djaïz leur parler de la « révolution obligée », titre du livre qu’il a co-écrit avec Xavier Desjardins, les quelque 350 invités présents dans l’amphithéâtre du Crédit Agricole ont assisté à la distribution des prix. Vingt-quatre entreprises ont été primées.
Dans la catégorie moins de 20 salariés, il s’agit de Réutiliz, R2D2, Arrangé Blard, Médicis, My Hair By Katia, Myfanjan, Odysée, Lign7, Mont Choco et Le Clan.
Dans la catégorie plus de 20 salariés figurent La Poste, Mascarin, Sorefi, Cycléa, groupe Clinifutur, Petfood Run, Aéroport de La Réunion, Adrie, Servair, Brasseries de Bourbon, groupe CRC et SHLMR.
Selon le Medef, le nombre d’entreprises ayant participé au concours a quasiment triplé. Mais comme l’organisation patronale ne précise pas ce nombre, ça ne veut pas dire grand-chose. Pourquoi ce nombre n’est-il pas communiqué ? Selon un membre du jury, c’est parce que la CPME, autre organisation patronale, ne précise pas le nombre d’entreprises qui participent à son Trophée entreprise & territoire. Un signe que la rivalité entre le Medef et la CPME est toujours bien vivace.
L’ombre de la décroissance
Que dire de cette distribution de prix qui rappelait aux plus anciens ce qu’ils ont connu lorsqu’ils étaient à l’école ? Il s’agit avant tout de témoigner de l’implication des entreprises réunionnaises dans la RSE. On ne s’étendra pas sur le fait qu’il est assez curieux de voir, par exemple, dans la catégorie des entreprises de moins de 20 salariés, R2D2, filiale du groupe Ravate, et l’association Réutiliz qui remet au goût du jour cette bonne vieille consigne des contenants en verre. Autant de gouttes d’eau dans la mer de la transition énergétique, mais qui n’ont rien de négligeables dans un milieu insulaire dont la biodiversité demeure très fragile.
La remise des prix a traîné quelque peu en longueur, animée par un maître de cérémonie très (trop ?) décontracté et porté sur les plaisanteries pas toujours de bon goût. Si bien que David Djaïz a disposé de peu de temps face à un auditoire qui pensait déjà au cocktail dînatoire devant clôturer la soirée. Et c’est dommage car le jeune et brillant énarque et normalien, qui a été brièvement conseiller d’Emmanuel Macron à l’Élysée, a livré quelques précieuses informations et une comparaison instructive entre les États-Unis, la Chine, deux pays désormais en pointe dans la RSE, et une Europe qui souffre d’un trop plein de réglementations pas toujours probantes. C’est le cas de la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) qui fixe depuis le 1er janvier 2024 de nouvelles normes et obligations de reporting extra-financier, même si, pour le moment, elle ne concerne que les grandes entreprises et les PME cotées en Bourse. Que dire également, dans une France qui connaît un gros problème de logement, de la Zéro artificialisation nette (ZAN), véritable casse-tête pour les collectivités ? On a l’impression de marcher sur la tête. Au final, David Djaïz n’a pas eu le temps de nous montrer pleinement comment on pouvait « réussir la transformation écologique sans dépendre de la Chine et des États-Unis », sous-titre de son livre. Au final, on peut se montrer sceptique sur cette nouvelle révolution qui mettrait au premier plan les énergies naturelles et renouvelables alors que la révolution industrielle du XIXe siècle les avait abandonnées au profit des énergies fossiles. Des énergies fossiles qui pèsent encore 81 % dans la production mondiale d’énergie et ne montrent pas de courbe descendante significative. Effacer ces 81 % d’ici 2050, comme le prône l’Europe, paraît plus qu’utopique, à moins de s’engager dans la décroissance. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) a d’ailleurs évalué à 4,5% du PIB annuel mondial le coût de cette transition. La décroissance, on peut penser que cela ne ferait pas l’affaire du Medef.
Add Comment
Vous devez vous connecter pour publier un commentaire.