Saphir de 41,5 millions de dollars exposé à Dubaï : aucune irrégularité selon le ministère des Mines
Il est plus célèbre que le Koh-i Nor ou que le diamant bleu, du moins à Madagascar ! Le Priceless Sapphire (saphir inestimable) est la pierre dont tout le monde parle sur la Grande Île et en particulier sur les réseaux sociaux. Bonne raison à cela, il a été découvert à Madagascar et est à ce jour le plus gros saphir brut (non taillé) du monde (51 cm x 46 cm x 27 cm), figurant comme tel dans le Livre Guinness des records (Guinness world Records) 2020. Il faut reconnaître que ce minéral de la famille des corindons (comme le rubis) est impressionnant du haut de ses 451 000 carats (90,2 kg), sachant qu’à l’origine, emprisonné dans sa gangue rocheuse, il atteignait les 140 kg !
Si l’on en parle tant, c’est que sa découverte à Madagascar n’a jamais été rendue publique alors que sa valeur est estimée à 41,5 millions de dollars et qu’il sera exposé à Dubaï au printemps prochain en quête d’acquéreur. Comme le titrait le journal émirati The National du 7 février dernier : le plus gros saphir du monde dans la ville la plus chère du monde (« The world’s biggest sapphire is going to the world’s most expensive city »). Ce qui n’est pas sans faire tiquer certains internautes malgaches qui se demandent comment ce saphir extrait d’un des pays les plus pauvres de la planète peut aujourd’hui se retrouver à Dubaï, et par quel truchement. Autrement dit, qui sont ses propriétaires et comment l’ont-ils acquis ?
Question beaucoup moins innocente qu’il n’en paraît quand on sait qu’un nombre toujours croissant de pierres précieuses issues du sous-sol malgache malgache – saphirs, mais aussi rubis, émeraudes et même diamants – sortent en fraude du territoire national. Selon la Banque mondiale, pour la seule année 2019, près de 100 millions de dollars de gemmes précieux sont sortis de façon illégale de Madagascar. Et si le Priceless Sapphire était du nombre ? C’est en tout cas la question que l’on est en droit de se poser, le quotidien malgache Midi Madagasikara du 9 février rappelant que le prix de cette pierre aurait de quoi « nourrir pour deux ou trois ans toute une région malgache ou une grande partie du Sud de Madagascar ».
Une pierre fine à caractère industrielle
Invité à s’expliquer en tant qu’autorité de tutelle, le ministère malgache des Mines et des Ressources stratégiques (MMRS) a démenti le 11 février la moindre irrégularité autour du Priceless Sapphire, précisant au préalable qu’il ne s’agit pas d’une pierre précieuse destinée à la bijouterie, mais d’une “pierre fine à caractère industriel ». Sa valeur de 41, 5 millions est donc sujette à caution, à tout moins théorique, puisque s’appliquant à des saphirs de type gemmes et qu’en l’état, rien n’indique que ce cristal puisse être séparé de sa gangue rocheuse. Et en admettant qu’il le soit, même partiellement, et qu’il soit taillé, il n’atteindra pas le caractère de “pierre précieuse”, mais uniquement celui de “pierre fine”, le grade en-dessous, vu la médiocre qualité de son cristal bleu et blanc.
Concernant le long cheminement qui le conduit aujourd’hui à Dubaï, ce que l’on sait avec certitude, c’est que le saphir a été trouvé à Mananjary (côte est de Madagascar) en 2019 et qu’il a été ensuite détenu par l’Institut pour la protection du patrimoine culturel de Slovénie (IPCHS), avant d’être acquis par la société zurichoise SM Share Management AG en la personne de Léon Pogelshek, son actuel propriétaire. C’est ce même Léon Pogelshek qui a accueilli à Dubaï le 15 février dernier des investisseurs et chefs d’entreprises pour leur présenter en première exclusivité la fameuse pierre qu’il met aujourd’hui en vente.
Toujours selon le ministère des Mines, la procédure d’exportation du saphir a été parfaitement respectée, le propriétaire slovène de l’époque s’étant acquitté de toutes les redevances requises. Il a rappelé qu’en mai 2020, un saphir du même type, de 109 kg, provenant de Fotadrevo (sud-ouest de Madagascar) avait déjà été exporté vers la Slovénie, en suivant également la procédure légale. Madagascar, nouvel Eldorado des pierres précieuses ? Il n’est pas inutile de rappeler que l’une des plus grosses émeraudes du monde, le Heaven’s Gift (536 kg), a été extraite du sous-sol malgache en 2007. Valeur estimée : 107 millions de dollars.