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Maurice

Le port franc au creux de la vague

Les opérateurs du port franc mauricien sont inquiets. Un rapport d’experts vient mettre en lumière les forces, mais surtout les grandes faiblesses de Port-Louis. De quoi tirer la sonnette d’alarme alors que la concurrence internationale s’intensifie.

« La bureaucratie est en train de nous tuer. » C’est le constat, lapidaire et implacable, d’Afzal Delbar, secrétaire général de l’association des opérateurs du port franc (Freeport Operators Association, FOA). Ces mots forts ont été prononcés le 15 juin dernier lors du lancement, au Caudan Arts Centre, du rapport du cabinet Analysis-Kantar sur les forces et faiblesses du port franc mauricien (rapport intitulé SWOT analysis of Freeport of Mauritius). Basé sur des données récoltées en novembre et décembre 2022, le rapport s’est appuyé sur des entretiens avec une dizaine d’opérateurs et de régulateurs.

Le secrétaire général de la FOA a profité de la présence, ce jour-là, d’un grand nombre d’opérateurs et de représentants des autorités portuaires et régulatrices, pour dire toute sa « frustration » concernant la situation dans le port mauricien, dans des propos parfois virulents. Ce qui n’a pas manqué de faire tiquer Ken Poonoosamy, directeur de l’Economic Development Board (EDB), l’organisme de l’État en charge de la promotion des investissements.

« Dans un tel forum, il s’agit de rester politically correct », a souligné le patron de l’EDB.

Faible visibilité

Il a ainsi fait remarquer à l’assistance qu’un long chemin a été parcouru depuis les débuts du port franc en 1992, avec notamment un développement notable au niveau des infrastructures. Il a toutefois reconnu qu’il y a des changements qui doivent intervenir pour faire face à la concurrence. « Nous devons nous assurer qu’il y ait une plus grande connectivité, ce qui est un facteur essentiel », a noté Ken Poonoosamy.

La connectivité est en effet l’un des points faibles notables du port franc mauricien, comme cela a été relevé par Analysis-Kantar dans son rapport. La connectivité maritime, aussi bien qu’aérienne, est même qualifiée de « faible ». « Pour attirer une plus large clientèle et des investisseurs internationaux, Maurice doit améliorer sa connectivité », soutient le rapport. En comparaison, le port de Dubaï bénéficie d’un réseau ultra développé avec une connectivité sur 188 destinations grâce à son hub aérien, comparé aux 25 destinations que peut offrir Sir Seewoosagur Ramgoolam International Airport.

Mais la concurrence ne vient pas que des grosses pointures portuaires internationales. Soraya Ramjaun-Foondun, directrice de recherche à Analysis-Kantar, a attiré l’attention de l’assistance sur les ports de la région. « Attention aux développements portuaires à Madagascar, à La Réunion et aux Seychelles », a-t-elle prévenu, tout en reconnaissant que Port-Louis garde un avantage sur ses voisins, grâce à son statut de port franc.

Autre faiblesse : la faible visibilité du port franc mauricien auprès des investisseurs. Maurice est en effet plus connue, dans le monde des affaires, pour ses hôtels de plage que pour son port franc. « Maurice n’est pas assez vendue pour son port franc, il n’y a pas de déclic chez les multinationales lorsqu’on en parle », a souligné Soraya Ramjaun-Foondun.

Même si la liste des avantages est conséquente avec, outre de bonnes infrastructures, une localisation idéale entre deux continents (Afrique et Asie), l’appartenance de Maurice aux organisations régionales (COI, SADC, COMESA) et de gros avantages fiscaux, les faiblesses pèsent lourd dans la balance. Ainsi, les transactions cash, très contrôlées par les services douaniers, ou encore les délais posent un réel problème aux opérateurs. Analysis-Kantar, en conclusion, souligne que le secteur du port franc reste « prometteur » à condition qu’il y ait « une collaboration étroite entre les différentes parties concernées afin que la destination ait de la substance aux yeux des entreprises internationales ».

Port-Louis dans le bas du classement : La présentation du rapport d’Analysis-Kantar est intervenue quelques jours après la publication des performances portuaires établies par la Banque mondiale. Dans ce classement, Port-Louis se situe à la 327e place sur 344 ports répertoriés dans le monde. Au niveau africain, parmi les 37 ports de la région subsaharienne, le port mauricien ne se situe qu’à la 30e position, loin derrière le port malgache de Toamasina (10e), Port Victoria aux Seychelles (13e), Mayotte (15e) et Port Réunion (22e).