Eco Austral – Actualités économiques et entreprises de l'Océan Indien

L’INDUSTRIE CULTURELLE ET CRÉATIVE : UN PILIER DE L’ÉCONOMIE
Maurice

L’INDUSTRIE CULTURELLE ET CREATIVE : UN PILIER DE L’ECONOMIEAbonné 

Le domaine des arts et de la culture est en train de devenir un secteur économique à part entière. Longtemps considérés à Maurice comme de simples divertissements ou des activités annexes à d’autres secteurs comme celui du tourisme, les spectacles, les concerts, les expositions et les tournages prennent de plus en plus de place dans le tissu socio-économique. À tel point que l’État les identifie clairement, désormais, sous le nom d’industrie culturelle et créative (ICC). Pour autant, les entreprises qui gravitent dans ce secteur souffrent d’un manque d’encadrement approprié et les artistes attendent toujours une reconnaissance officielle de leur statut...

Les entreprises culturelles sont celles qui ont été le plus touchées par la crise liée à la Covid-19. C’est le dernier secteur a avoir retrouvé une activité normale. Une fois la crise passée, on a assisté à un redémarrage des activités artistiques, mais sans commune mesure avec ce qui se passait entre 2015 et 2019. Durant cette période on pouvait avoir quelque 200 événements par an, de toutes sortes, de toutes tailles et un peu partout à travers l’île. Théâtre, musique, humour : les arts se donnaient en spectacle et le public accourait...

Cette suractivité a coïncidé avec l’ouverture d’hôtels, la multiplication de boîtes de nuit, l’expansion des conglomérats. Il y a eu aussi des lancements de marques de renom, des grands mariages, des conférences internationales...

Dans le domaine musical, le producteur indépendant Stephan Rezannah estime que depuis le début des années 2010, il y a eu une réelle avancée, un modèle économique s’est mis en place, avec des formations financées par l’Union européenne, des échanges régionaux entre artistes et entrepreneurs culturels ont vu le jour. Pour le producteur, le Indian Ocean Musical Market (IOM- MA), lancé en 2012 a constitué un tournant pour l’industrie musicale. Ce marché de la musique, créé, entre autres par Jérôme Galabert, le directeur du festival Sakifo de La Réunion, a exposé tous les segments de l’industrie musicale indianocéanique à une professionnalisation de leurs activités. À Maurice des structures se sont mises en place. Stephan Rezannah, pour sa part, a créé Momix, parmi d’autres structures et initiatives qui ont connu un réel engouement...

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Lancé en 2018, le Caudan Arts Centre, à Port-Louis, est devenu un acteur incontournable des activités artistiques avec sa salle de 450 places dotée d’un magnifique piano à queue. ©Droits réservés

Le Caudan Arts Centre, sur le front de mer de Port-Louis, est devenu l’un des poumons des activités artistiques à Maurice. Il reçoit plus de 100 événements par an, parmi lesquels beaucoup de conférences, mais l’art reste prioritaire. Créé en 2018, cette salle de 450 places, assortie d’un espace de conférence, s’est bâtie autour des activités artistiques qui existaient déjà sur l’amphithéâtre en plein air du front de mer port-louisien, autour d’une stratégie adoptée par les investisseurs du projet : avec l’offre viendra la demande. « Nous avons introduit une offre différente de ce qui se faisait avant », note Ashish Beessoodial, le directeur du théâtre.

Avant la crise covid, il y avait autant de concerts à Maurice qu’à La Réunion, où la scène musicale reste une référence. Pendant la crise, les activités musicales ont migré sur les réseaux sociaux avec une certaine réussite.

Les coûts ont explosé

Depuis, toute une industrie a du mal à retrouver sa vitesse de croisière « Il y a un avant et un après-covid », estime Claire Le Lay, directrice de Bao Com, qui a organisé une trentaine de concerts en une vingtaine d’années. Son prochain événement aura lieu au mois d’octobre, avec le retour à Maurice du chanteur Francis Cabrel...

Entre-temps, d’autres spectacles sont à l’affiche. Shilpa Rao, chanteuse de Bollywood, avait rendez-vous avec ses nombreux fans pour son premier concert sur le sol mauricien, le 15 juin, au Trianon Convention Centre. C’était le premier concert de la compagnie Beyond Entertainment qui compte organiser d’autres spectacles cette année. Les humoristes français D’jal et Élie Semoun se produiront les 6 et 7 juillet au Trianon Convention Centre, grâce à Titanium Events. Les spectacles internationaux reviennent à l’affiche.

Musique et cinéma, les deux piliers de l’industrie culturelle et créative, ont retrouvé des couleurs après l’interruption des activités due à la crise sanitaire. Événements musicaux à gros budgets, spectacles et tournages internationaux ont repris, mais pas aussi vite que les professionnels de ces secteurs auraient pu le souhaiter. Les coûts globaux, tels que les prix des billets d’avion, les cachets, dopés par l’inflation et la chute de la roupie, ont pris l’ascenseur. Ces facteurs viennent s’ajouter à ce qui existait déjà pour les grands concerts : problème de jauge, de parking, de réglementations... Et pour couronner le tout, les sponsors se font aujourd’hui plus timides, se recentrant sur leurs activités de base, comme les groupes hôteliers ou certaines banques autrefois plus prompts à débourser, mais qui préfèrent désormais miser sur l’économie verte plus que sur l’industrie culturelle...

Bao Com, pour sa part, préfère s’appuyer sur des partenariats régionaux, comme celui que l’agence a conclu avec Art FM, producteur de spectacle français et plus gros tourneur de La Réunion avec lequel elle programme Francis Cabrel pour deux spectacles en octobre. Pour la première date, tous les billets ont été vendus en 48 heures, se réjouit Claire Le Lay. « Sans Art FM, je n’aurais pas pu le faire », reconnaît l'organisatrice. Ainsi, avec cinq concerts à La Réunion et deux à Maurice, la tournée du chanteur français, qui implique une trentaine de personnes, devient rentable. Mais hormis la démarche culturelle qui est primordiale pour la productrice, la priorité, c’est ne pas perdre d’argent...