SAMANTHA NAHAMA, DIRECTRICE GÉNÉRALE DE CANAL+ RÉUNION : Une militante de la parité femmes-hommes
Directrice générale de « Canal+ Réunion, depuis trois ans, Samantha Nahama prend plaisir à défendre la cause des femmes, dans son entreprise et à travers les films coproduits par sa chaîne de télévision. Mais elle se défend de faire la guerre aux hommes.
« Je ne suis pas une féministe. Le féminisme, c’était un combat de ma mère, pas le mien. » Samantha Nahama, âgée de 49 ans, n’a pas de revanche à prendre. Son parcours en témoigne, même si elle avoue avoir connu le machisme et le sexisme. Elle reconnaît d’ailleurs devoir à Vincent Bolloré, l’emblématique patron de son groupe, ses plus belles promotions. Un patron qui a aussi de l’empathie. « Quand je suis tombée enceinte de ma fille (aujourd’hui âgée de 10 ans – NDLR), il m’a félicitée et m’a dit que c’était la plus belle chose qui pouvait m’arriver. »
Pas féministe, Samantha Nahama, mais simplement éprise de justice. « Je suis pour la parité et cela passe par des lois. Je suis favorable à la politique des quotas. » Pour autant, elle pense qu’il faut mettre les hommes dans le coup. « Dans une salle exclusivement féminine, je ne me sens pas à l’aise. » Cela s’explique sans doute par le fait qu’elle a été élevée dans un climat d’égalité et que, dans sa famille, les filles poursuivaient des études au même titre que les garçons. Et de citer sa grand-mère qui a fait médecine.
La parité comme objectif
La parité, elle la pratique dans son entreprise Canal+ Réunion, qui se charge des offres de télévision payante et d’Internet avec la Canalbox, une activité distincte de celle de Canal+ Telecom qui englobe Canal+ Business. L’une de ses satisfactions est d’atteindre prochainement la parité au sein de son comité de direction, mais aussi d’être à l’écoute de ses employées et, plus largement, des Réunionnaises. Autre objet de satisfaction, la contribution de Canal+ aux enjeux sociétaux de la parité à travers des coproductions (voir notre hors-texte à ce sujet).
Son parcours personnel commence au Brésil où elle voit le jour, tout simplement parce que son père y est expatrié en tant que collaborateur de la multinationale française Schlumberger (aujourd’hui SLB), spécialisée dans les services et équipements pétroliers. Sa naissance lui vaudra d’obtenir la nationalité brésilienne du fait que le Brésil pratique le droit du sol. Samantha Nahama est donc franco-brésilienne.
L’appel du large
Son parcours est celui d’une jeune fille curieuse, qui semble avoir la bougeotte, ou plutôt qui se cherche, avant de se stabiliser. Il commence par une école supérieure de commerce en France, l’Edhec Business School. Ensuite, ce sera deux ans d’audit chez KPMG Paris, suivis d’un périple de neuf mois, sac au dos, en Asie du Sud-Est et en Amérique centrale. Au Guatemala, elle participe à des projets de constructions d’écoles. On la retrouve bénévole au Cambodge dans l’ONG Sourire d’enfants. Elle continue pendant deux ans en France, avant de renouer avec le monde de l’économie marchande avec une courte expérience au sein du cabinet de recrutement américain Robert Half. Elle se cherche encore et reprend ses études, à la Sorbonne pour aboutir à un DEA de sociologie (Bac+5) avec une spécialité en « démographie du développement ». Après quelques mois comme salariée d’une société de production, la voilà en Algérie en mission pour le compte d’un opérateur de téléphonie mobile. Une expérience marquante puisqu’elle se retrouve à la tête d’une grosse équipe, en charge d’un réseau de boutiques. « Là, j’ai découvert le management. » Et aussi la gestion des risques interculturels qui a conduit à faire le ramadan sans être pour autant musulmane. L’expérience dure un an et demi.
Après son retour en France, elle travaille pendant un an chez Pixmania, dans la vente d’appareils photos numériques sur Internet. Une expérience qui ne l’enchante guère. Ensuite, elle prend pied dans le monde télévisuel chez numericable, l’entreprise de Patrick Drahi, aujourd’hui propriétaire de SFR. Pendant trois ans, elle évolue à la tête d’un réseau de 40 boutiques en Île de France, puis de 90 boutiques dans tout l’Hexagone. Mais l’appel du large se fait encore sentir. Elle se lance en 2010 dans un nouveau périple, au Brésil, au Vietnam et à Cuba, « un peu moins sac au dos cette fois car je n’avais plus 20 ans ». Cela dure six mois. Puis elle fait son entrée dans le groupe Bolloré, au sein d’Autolib’ qui lance son réseau de voitures électriques en autopartage à Paris et en Île de France, sous la forme d’une délégation de service public (DSP). C’est le début de sa stabilisation puisqu’elle y reste sept ans. Et si elle part, alors qu’elle occupe un poste de directrice des opérations, c’est que la DSP prend fin. Elle ne quitte pas pour autant le groupe Bolloré qui lui propose le poste de directrice des opérations de Canal+ en Outre-Mer en novembre 2018, avant d’être nommée directrice générale à La Réunion en août 2020. Un beau challenge pour cette militante de la parité femmes-hommes qui se réjouit que Canal+ Réunion ait remporté, en juin dernier, le prix Argent ex-aequo dans la catégorie Responsabilité éditoriale des médias. Un prix remporté dans le cadre du premier Grand prix de la responsabilité des médias. C’était le seul média d’Outre-mer à se distinguer dans ce Grand prix qui récompense les meilleures initiatives RSE des régies et des médias en France. Une distinction que la chaîne de télévision doit à son appel à projets annuel « S’engager pour l’avenir », opération 100 % locale dont l’objectif est d’accompagner des projets de courts-métrages créatifs et inspirants et de documentaires engagés.
Canal+ en soutien à la production locale : Valérie Marianne, responsable marketing et communication, est aussi chargée de la coproduction chez Canal+ Réunion. Elle se montre visiblement passionnée par cette mission et souligne qu’il ne s’agit pas toujours de co-production, mais, en tout cas, d’un soutien vital. Un soutien auquel participent d’autres acteurs comme
la Région qui, lors de la tenue de sa commission permanente du 21 juil-let, a doté Canal+ de 185 000 euros et Réunion 1ère de 115 000 euros. Les contenus liés au développement durable et à des questions sociétales, qui concernent notamment les femmes, sont privilégiés. « Outre le soutien financier à des projets, nous faisons intervenir des experts en visioconférence, explique Valérie Marianne. Et nous faisons profiter les producteurs du carnet d’adresses de Canal+. Il s’agit de valoriser la filière locale. » Récemment, Canal+ Réunion a fait intervenir la journaliste Frédérique Bedos, fondatrice de l’ONG d’information Le Projet Imagine, à l’occasion de sa venue à La Réunion. Frédérique Bedos, venue à l’invitation du Crédit Agricole, réalise et produit des documentaires qui valorisent « des femmes et des hommes qui participent à la construction d’un monde plus solidaire et qui s’engagent en faveur de la paix et de la justice sociale ».
En 2022, Canal+ Réunion a soutenu financièrement 17 projets dont 53 % de courts-métrages et 30 % de documentaires, sans parler des chaînes éphémères comme celle du Grand Raid. Autant de projets qui bénéficient d’une diffusion sur Canal+ Réunion. Une autre forme de soutien comme, par exemple, celui apporté à Zamal Paradise, un long-métrage réalisé par le Réunionnais DKpit K Dick et qui connaît un grand succès dans le catalogue de la chaîne. Valérie Marianne se réjouit que 59 % des projets soutenus soient portés par des femmes. Car, dans ce domaine, la parité femmes-hommes est encore loin d’être atteinte. Si l’on recense 50 % de femmes dans les écoles de cinéma et que 45 % réalisent un premier film, on n’en compte plus que 33 % à réaliser un deuxième film et 25 % un troisième.
Bien entendu, la qualité d’un projet demeure primordiale. C’est ainsi qu’aux côtés de l’agence Film Réunion, de la Région Réunion, de l’Union européenne, de Réunion 1ère et d’ARTE, Canal+ a contribué financièrement au superbe documentaire de Rémy Tézier Des baleines, des tortues et des hommes. Ce film de 52 minutes a été projeté en avant-première le 7 juillet au Ciné Cambaie, à Saint-Paul.