Stéphan Euthine : « Un phénomène de société à encadrer »
Stéphan Euthine, président de France Esports durant deux mandats, milite pour une structuration régionale et nationale de tous les acteurs du sport électronique, seul moyen d’être reconnu par les institution
L’Éco austral : Vous souhaitez introduire de la régulation dans l’esport qui a connu un essor spontané. Pourquoi ?
Stéphan Euthine : Dans l’esport, tout le monde est pour l’instant autodidacte et ce sont les éditeurs de jeux qui font la pluie et le beau temps. Il est temps de constituer une structure reconnue et mandatée par l’État qui aurait pour mission d’accompagner le développement de la filière comme l’Agence nationale du sport le fait pour le sport. Il faut des moyens pour, notamment, créer des tiers-lieux où l’on puisse pratiquer l’esport, pour que les jeunes ne restent pas enfermés chez eux, des endroits où des encadrants expliquent comment le pratiquer raisonnablement. Le monde de l’esport doit d’autre part s’organiser pour présenter sa chaîne de valeur aux décideurs. De nombreux projets ont échoué parce qu’un seul élu local, méconnaissant le phénomène de société, s’y est opposé. Pour faire reculer cette méconnaissance et les a priori négatifs, France Esports organise d’ailleurs de nombreux ateliers à l’intention des décideurs territoriaux.
Quel intérêt ont les collectivités à accompagner le développement du sport électronique ?
Les événements esport peuvent être des éléments de marketing territorial. Le Geekali, par exemple, draine des influenceurs qui parlent de l’événement, mais qui peuvent également promouvoir La Réunion, pour peu qu’on leur fasse découvrir des lieux emblématiques. Le développement de l’esport a surtout des retombées économiques en créant des emplois dans les métiers supports. Ne rêvons pas : comme dans le sport, les joueurs professionnels sont très peu nombreux.
Comment l’esport peut-il être intégré à des actions sociales ?
L’esport peut être le moyen d’éviter à des jeunes de décrocher de l’école, en leur proposant, par exemple, des séances mêlant à la fois du jeu et du soutien scolaire. C’est ce que nous faisons à Vaulx-en-Velin, dans notre structure NECC, un tiers-lieu de 400 m² qui a aussi intégré l’Office municipal des sports pour créer des activités communes aidant à lutter contre la sédentarité. Le jeu vidéo attire les jeunes, on les incite à tester d’autres activités et on peut les orienter vers des parcours d’insertion. Grâce aux jeux vidéo, NECC touche beaucoup plus de jeunes qu’une autre association de même taille.
Le jeu vidéo peut-il aussi être éducatif ?
Je rêve d’amener le jeu vidéo à l’école ! Il y a parfois des notions complexes dans les contenus éducatifs nationaux. Des expériences ont montré qu’en les « gamifiant », les derniers de la classe devenaient les premiers. Ils avaient appris la leçon, tout retenu. Un groupe de travail sur l’utilisation des jeux vidéo vient d’ailleurs d’être lancé au sein de l’Éducation nationale. À la Tony Parker Adéquat Academy, il existe une section esport-études, les jeunes qui y sont inscrits obtiennent le bac sans problème.
France Esports, plateforme fédératrice : Née en 2016, l’association France Esports se donne pour objectif de rassembler les acteurs du sport électronique (joueurs, organisateurs de tournois, créateurs-éditeurs de jeux…) afin de les doter d’une plateforme de collaboration et de les faire parler d’une seule voix. Fidèle aux valeurs de l’olympisme, elle s’était vu confier l’organisation de la première manifestation institutionnelle « esport » de l’État sous les ors de l’Élysée, en présence d’Emmanuel Macron, en juin 2022. Elle travaille depuis l’année dernière à l’émergence d’antennes régionales. Stéphan Euthine, son président jusqu’en 2021, dirigeait jusqu’à ces dernières semaines une des meilleures équipes d’esport française, la Team LDLC. Il vient de fonder l’agence de communication spécialisée Game-bIT. En août dernier, il avait mis à profit sa venue au Geekali pour prêcher les vertus de l’union auprès des acteurs locaux de l’esport. Il a invité ces derniers à se regrouper pour parler d’une même voix, comme l’ont fait les concepteurs de jeux vidéo en fondant l’association Bouftang. « Nous avons commencé le travail en septembre en vue de créer une antenne réunionnaise de France Esports », annonce Chris Egiziano (Place 2 Geek).