La Maison Isautier sur la bonne vague
La Maison Isautier a réalisé une belle percée sur le marché hexagonal avec ses rhums arrangés dont on lui doit la vogue actuelle. Une vogue, mais aussi une vague sur laquelle elle surfe allègrement en visant désormais d’autres marchés, dont le Québec dès ce mois de juin.
Dans son bureau de Saint-Pierre, Cyril Isautier arbore un large sourire. Les indicateurs sont au vert pour la Maison Isautier, entreprise familiale ancrée dans le terroir du sud de La Réunion et dont l’origine remonte à 1845. En témoignent les travaux en cours dans son unité industrielle qui visent à tripler sa capacité de production, la portant de 1,9 million de litres de spiritueux à 5,7 millions en 2025. Le chiffre d’affaires a enregistré une croissance de 23 % en 2021 pour s’approcher des 20 millions d’euros. On la doit pour une grande part aux ventes en France métropolitaine où Isautier apporte de l’exotisme et la chaleur des Tropiques même si ses « arrangés » se consomment de préférence givrés. Ce mode de consommation a d’ailleurs dopé les ventes depuis 2018.
Un engouement bien réel
Plus précisément, en 2021, l’export a pesé 58 % du chiffre d’affaires en incluant les ventes en duty free. Pour se donner une idée du chemin parcouru, il faut savoir qu’en 2013, il ne représentait que 19 % et cette progression ne s’explique pas par la baisse du marché réunionnais où la croissance est également au rendez-vous pour les « arrangés ».
On doit dire qu’Isautier est à l’origine de la vogue actuelle des « arrangés » qui a généré une très forte concurrence. « À La Réunion comme dans toute la France, on compte une multitude de petits producteurs, mais les gros acteurs s’y sont mis également. J’ai recensé pas moins de 67 marques qui ont vu le jour depuis moins de cinq ans et c’est loin d’être exhaustif », souligne Cyril Isautier qui demeure néanmoins confiant dans le potentiel de ses produits à l’export. Pour être plus compétitif et réactif dans leur livraison, ceux qui réalisent les plus gros volumes sont d’ailleurs embouteillés dans l’Hexagone. Cela permet aussi un meilleur bilan environnemental en évitant d’importer des bouteilles vides pour les réexpédier une fois remplies. Mais les « arrangés » demeurent authentiquement réunionnais et c’est d’ailleurs une tradition locale que de faire macérer des fruits et toutes sortes d’aromates dans du rhum.
L’aventure de l’export a commencé dès 2010 pour la Maison Isautier même si elle produisait des « arrangés » depuis 1970. Elle s’est lancée à l’instinct, sans réaliser d’étude de marché. En profitant dans un premier temps du bouche-à-oreille au sein de la diaspora réunionnaise et d’un concept très simple : « Faire entrer La Réunion dans nos bouteilles. » Un concept, mais aussi un savoir-faire. Et au fil des ans, l’entreprise a su innover et orchestrer une montée en gamme. Après avoir commencé avec son « gingembre citron », le lancement de son « banane flambée » en 2012 a connu un succès retentissant et demeure toujours le best seller. En dix ans, pas moins de 3,2 millions de bouteilles de cet « arrangé » ont été vendues, dont 40 % sur les deux dernières années.
Pour vendre ses produits dans l’Hexagone, la Maison Isautier a segmenté ses marchés et fait appel à deux principaux distributeurs. Macéo, spécialisé dans les produits exotiques et créoles, se charge des rhums blancs, des Arhumatiks et des arrangés, à destination de la grande distribution, mais avec aussi des CHR (Cafés, hôtels, restaurants) ; La Maison du Whisky s’est vu confier les rhums vieux et la dernière création d’arrangés haut de gamme, « Fresque », pour la distribution chez les cavistes, mais aussi chez les CHR. La « Fresque de La Réunion », c’est quatre produits conçus autour de quatre qualificatifs : « Océanique », « Volcanique », « Intense » et « Tropical ». Tout un imaginaire pour le marketing. « Mais ce n’est pas que du marketing, précise Cyril Isautier. Ce sont des produits du terroir réunionnais. »
Le début d’une grande aventure
Quoi qu’il en soit, le producteur passe à la vitesse supérieure en matière de marketing et va investir dans des campagnes d’affichage 4X3 dans l’Hexagone. Pas question pour autant de se limiter à ce marché. D’autres marchés ont été identifiés avec déjà, pour certains d’entre eux, une première présence : Québec, Allemagne, Espagne, Belgique, Djibouti, Mayotte, Nouvelle Calédonie et Tahiti. Des marchés pour les arrangés, choisis surtout en fonction des solutions locales de distribution. Pour le Québec, un premier bateau est attendu en juin au départ de la France métropolitaine où les arrangés sont embouteillés. « Du bateau au départ de La Réunion, ce serait beaucoup plus long et plus cher », précise Cyril Isautier. Le produit est donc exporté vers l’Hexagone dans des citernes de 25 000 litres. Un modèle qui n’est pas nouveau, mais qu’on connaissait à La Réunion jusqu’alors pour l’importation de vin. Cette fois, c’est de l’export… Et peut-être bien le début d’une grande aventure.