Eco Austral – Actualités économiques et entreprises de l'Océan Indien

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Réunion/Maurice

La Réunion et Maurice, îles sœurs ou sœurs ennemies ?

La mondialisation est-elle arrivée en bout de course après avoir réussi son nivellement par le bas ? C’est la question posée, dans ce numéro de L’Éco austral, par André Larané alors que l’OMC fête ses 30 ans. Fondateur et directeur de la rédaction de herodote.net, sans doute le meilleur site d’Histoire en langue française, il apporte évidemment son éclairage sous un angle historique indispensable. Il faut dire que si les multinationales ont su en profiter pleinement, confiant à la Chine le soin d’être l’usine du monde, ce n’est pas le cas pour tous les pays qui, pour bon nombre d’entre eux, ont subi une désindustrialisation. Et cela ne concerne pas que l’Occident, comme le montre l’exemple de Maurice.

L’Union européenne, aveuglée par son idéologie mondialiste, a ouvert grandes ses portes, allant jusqu’à dresser un « pont en or » aux voitures électriques chinoises. Au risque de voir son industrie automobile disparaître. Une industrie qui avance aujourd’hui à marche forcée pour rattraper son retard. Et tout cela repose sur l’injection de fonds publics via les « bonus écologiques » et la suppression des taxes afin que le prix des véhicules électrique soit « abordable ». Carlos Tavares, directeur général du groupe Stellantis, l’a bien compris : « Lorsque les États retirent les subventions à l’achat de véhicules électriques, la demande ne baisse pas, elle disparaît. »

Se rapprocher

À La Réunion, département français, les véhicules électriques connaissent un véritable engouement, en particulier sur le segment premium, grâce au bonus et à des avantages fiscaux pour les entreprises. À Maurice, s’il n’est pas question de subvention, le gouvernement a néanmoins supprimé les taxes pour doper le marché de l’électrique. Nul besoin d’avoir suivi de longues études d’économie pour comprendre que cette situation ne pourra pas durer. La baisse des recettes fiscales, subies par la Région Réunion et par l’État mauricien, devra être compensée par de nouvelles taxes. Peut-être sur les bornes de recharge et leur distribution d’énergie ?

Le fait que cette problématique (comme d’autres) soit désormais la même à La Réunion qu’à Maurice confirme que les deux îles sont plus que jamais « sœurs » au sein d’un même archipel, celui des Mascareignes. Mais on pourrait dire aussi « sœurs ennemies » tant les relations demeurent ambiguës, alimentées par des préjugés de part et d’autre. Là encore, un éclairage historique se révèle nécessaire. En 1946, la colonie de La Réunion, déshéritée et vivotant dans l’ombre de Madagascar, a choisi la voie de la départementalisation. Réclamé par les députés progressistes Raymond Vergès et Léon de Lepervanche, ce nouveau statut ne porte pas immédiatement ses fruits. Il faut attendre les années 60 pour voir l’île se métamorphoser sous l’impulsion de Michel Debré. Plusieurs fois ministre (de l’Éducation, de l’Économie et des Affaires étrangère), ce dernier sera également député de La Réunion entre 1963 et 1968 et entre 1973 et 1988. En 1968, Maurice devient indépendante et le fossé se creuse entre les deux îles dont les habitants entretenaient fréquemment des liens familiaux. Pour Michel Debré, traumatisé par l’épisode tragique de l’Algérie, il ne faut surtout pas que l’indépendance de Maurice donne des idées aux Réunionnais. On peut considérer qu’une certaine rupture date de cette époque. Il est temps d’y mettre fin. D’autant plus qu’avec une mondialisation ayant atteint ses limites, l’avenir est aux ensembles régionaux. Les deux îles peuvent s’inspirer mutuellement et traiter ensemble certains dossiers comme ceux de l’économie circulaire et des énergies renouvelables.

On peut voir plus loin encore en imaginant que les entreprises de La Réunion profitent de la Bourse de Maurice pour lever des fonds auprès des Réunionnais et, pourquoi pas, auprès des Mauriciens quand elles sont connues dans la région. Avant son rachat par Cirano, je me disais que la Bourse de Maurice aurait été une bonne solution pour Antenne Réunion, première télé de La Réunion, diffusée également à Maurice via des bouquets de chaînes.

S’inspirer mutuellement

Quand on parle d’inspiration mutuelle, on peut aussi penser à des choses simples. Par exemple, à Maurice, quand votre médecin vous prescrit un médicament sous forme de comprimés à prendre trois fois par jour, pendant cinq jours, cela fait 15 comprimés. Et c’est exactement le nombre de comprimés qui sera fourni par la pharmacie. À La Réunion, on vous « vendra » (pas vraiment à vous, mais à l’Assurance maladie) une boite de 30 comprimés, soit 15 comprimés qui finiront à la poubelle. Autre petit exemple très concret : celui du stationnement payant. À La Réunion, les communes investissent dans des parcmètres très couteux. À Maurice, on se contente de commercialiser des carnets constitués de petits cartons qu’il suffit de percer avec une clé ou un stylo et de poser sous son parebrise.

L’inspiration est bien sûr réciproque. Par exemple, Maurice pourrait s’inspirer de la valorisation des déchets, à La Réunion, dans la production d’énergie. Pour les tarifs de l’électricité, la formule « heures pleines, heures creuses » proposée par EDF à La Réunion semble intéressante pour Maurice où la population subit des augmentations et alors que le CEB (l’équivalent d’EDF) doit gérer des pics de consommation. De nombreux autres exemples pourraient être cités, montant l’intérêt de mieux se connaître, de se parler et de s’écouter.

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