Économie de la dystopie, dystopie de l’économie !
Une dystopie est un récit de fiction dépeignant une société imaginaire organisée de telle façon qu’elle empêche ses membres d’atteindre le bonheur. Une dystopie peut également être considérée comme une utopie qui vire au cauchemar et conduit à une contre-utopie (1). Cette crise risque de nous y amener si nous ne retrouvons pas la raison…
Le 28 Mai 2020, le journal Le Monde publiait un article (2)intitulé : « Le coronavirus accélère la mutation du sport spectacle », relatant les initiatives prises pour relancer l’économie du sport professionnel à l’heure de la distanciation sociale. Effigies de spectateurs en carton dans un stade de foot en Allemagne, 24 heures du Mans sans public, un Roland Garos 2020 avec des images virtuelles depuis les loges, etc. Le sport-spectacle tente de se réinventer et ce saut quantique dans le virtuel ne sera possible que pour les « gros poissons » et, au final, on aura « plus de spectacle et moins de sport ».
La logique profonde de cette mutation est applicable à notre région de l’océan Indien. Et si le tourisme prenait le même virage, en vendant des vacances virtuelles, en immersion digitale par des casques 3D (comme c’est le cas déjà au cinéma) ?
Et pourquoi ne pas « goûter » les recettes « péi » en groupe de cuisiniers à distance, en « visio- gastronomie » ? Plus besoin de prendre l’avion, de louer des chambres et donc plus besoin de personnel ou beaucoup moins. Les écologistes 2.0 à la Gretha Thunberg seront ravis : moins de pollution, moins de consommation et décroissance pour tous ! Cette nouvelle logique techniciste portée par l’intelligence artificielle, le haut débit 5G et la robotisation nous amène vers un nouveau monde où tout se passera sur Internet. Éradication du réel, du monde extérieur (pour notre « sécurité ») et extension du virtuel, du monde connecté (dernier espace de « liberté »). Ainsi, l’économie de ce nouveau monde dystopique sera celle des usines sans ouvriers, des festivals et concerts sur Youtube Live, des écoles et universités aux cours en ligne sur Zoom, des bars et restaurants réduits à des Drive- In ou à des livreurs à domicile de type Uber Eats. Plus belle la vie !
Éradication du réel
Qui pourra arrêter cette logique ? Marshall Mac Luhan disait que le « medium est le message ». Quand tous les médias sont désormais remplacés par « la nouvelle opinion publique » sur Internet, accessible par la connexion au World Wide Web virtuel (web-radios, TV internet et presse en ligne), quelle place restera-t-il au réel, au tangible, au concret ? Et donc comment éviter la conséquence logique de cette prise de possession de la technique sur l’humain ? Le médium devenant virtuel, le message sera également virtuel.
Toutes les injonctions, même les plus irrationnelles, passeront pour raisonnables : un mètre de distance, un masque pour nous faire taire, des gants pour ne plus serrer les mains. Le déploiement de ces nouvelles normes sert à éradiquer tout contact humain, tout dialogue en face à face, toute communion (église, sport, musique, loisirs…), toute sociabilité. Pourtant, il existe une arme pour conserver un monde encore humain : la raison, le bon sens, la morale.
Platon à la rescousse
Les Grecs avaient un mot unique pour définir cela, qui signifiait aussi la logique, le langage, la réflexion : LE LOGOS. Soit ce que Platon définissait lui par une trilogie : « Le Bien, le Beau, le Vrai. » L’économie vient du mot grec oeconomia qui signifie « gestion de la maison ». À l’île Maurice, qui se nourrit également de la culture anglo-saxonne, cette définition rappellera une expression de la langue anglaise venant de la Bible, mais passée dans le langage commun, et qui a récemment été remise au goût du jour par un auteur et conférencier canadien bien connu parmi les truthers sur Youtube, Jordan Peterson : « Mettre sa maison en ordre. » (3) (4). La période actuelle offre donc aussi un versant positif, qui nous pousse à réfléchir, à « mettre de l’ordre dans sa maison » et à nous réinventer, tant individuellement que collectivement. Pour conclure, cette citation d’un des pères fondateurs des États-Unis, Benjamin Franklin, permettra de creuser le sujet : « Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l'une ni l'autre, et finit par perdre les deux. »
(1) Wikipédia (FR). (2) https://www. lemonde.fr/sport/article/2020/05/28/ le-covid-19-accelere-la-mutationdu- sport-spectacle_6041061_3242. html. (3) « Put your house in order » : https://www.biblegateway.com/passage/? search=Isaiah+38&version=TLV. (4) J. Peterson, « 12 Rules for Life » : https://www.youtube.com/watch?v=x- 9QHlEbO4OM.
