Campagne 2022-2023 : la vanille malgache s’effondre à l’exportation
Les acteurs de la filière vanille, notamment les 88 exportateurs agréés représentés par le Groupement des exportateurs de vanille, se sont réunis le 8 février dernier au palais présidentiel d’Iavoloha en présence du ministre de l’Économie et des Finances, du ministre de l’Industrialisation, du Commerce et de la Consommation et du directeur général des Douanes. Au menu, un ultime tour de table pour tenter d’apporter des solutions à la grave crise qui frappe aujourd’hui la vanille malgache.
Un chiffre résume à lui seul la situation : depuis mi-novembre, début de la campagne d’exportation 2022-2023, le pays n’a écoulé que 150 tonnes de vanille Bourbon contre 1 000 tonnes l’année précédente à la même période. Si la campagne se poursuit sur cette lancée, la filière vanille qui avait généré 590 millions de dollars en 2021-22, pour 3 200 tonnes récoltées, pourrait bien en rapporter dix fois moins cette saison en termes de rentrée de devises.
Bien entendu, cette contre-performance est à mettre en relation avec le ralentissement des échanges commerciaux sur fond de guerre russo-ukrainienne. Mais pour les exportateurs, elle est aussi la conséquence directe de la cherté du prix de vente minimum de la vanille gourmet, fixé depuis 2020 par l’État à 250 dollars le kilo. Ce prix bien supérieur à ce que la concurrence propose dissuade les achats qui proviennent à 70 % du marché américain, au risque de faire perdre au pays sa position de premier producteur et exportateur mondial de vanille, au bénéfice notamment de l’Ouganda. Mais les pouvoirs publics persistent sur cette ligne haute, mettant en avant que ce prix plancher est le seul moyen de garantir une juste rétribution à l’ensemble des acteurs de la filière, petits producteurs, collecteurs ou préparateurs.
Fausses déclarations et maquillages financiers
En réalité, sur le terrain, ce prix officiel de 250 dollars n’est presque jamais appliqué. Dans plus de la moitié des cas, quantité de fraudes, fausses déclarations et maquillages financiers s’exercent conduisant à vendre la gousse à 180 dollars plutôt qu’à 250 dollars le kilo. Ce phénomène en engendre un autre, le non-rapatriement des devises vers le pays exportateur. Pour lutter contre le marché parallèle, les pouvoirs publics ont donc décidé d’intensifier les contrôles sur les volumes de vanille attribués à chaque exportateur. Désormais, les quantités non vendues seront reprises par l’État et réattribuées à d’autres exportateurs agréés, et non plus laissées dans la nature. De même, une des conditions d’obtention de l’agrément d’exportation octroyé par le ministère de l’Industrialisation, du Commerce et de la Consommation devient l’engagement à rapatrier les devises dans le pays. La vanille figure en deuxième position, après le nickel, dans la liste des filières pourvoyeuses de devises à Madagascar.
La vanille cuts autorisée à l’exportation
Une décision étonnante a été prise le 8 février pour tenter d’enrayer la crise. Pour contrebalancer l’effet négatif du prix de 250 dollars sur la vanille Bourbon, les exportateurs sont désormais autorisés à écouler de la vanille dite cuts ou courte, vendue 140 dollars le kilo. Il s’agit de plus petites gousses (moins de 12 cm), récoltées plus tôt, moins travaillées et présentant une teneur en vanilline plus faible que la Bourbon, de l’ordre de 1 à 1,2 %. Principalement destinée au marché américain, la vanille cuts est essentiellement utilisée pour la fabrication industrielle de poudre de vanille, et peut-être le moyen de contrecarrer le développement de la vanille artificielle, le principal danger qui pèse à l’horizon sur la vanille malgache.